Le 21 mai est la Journée mondiale des poissons migrateurs.

Cette journée est célébrée tous les deux ans et vise à sensibiliser le public à l’importance des poissons migrateurs et des rivières à écoulement libre. Alors, où en sommes-nous au Canada en ce qui concerne la migration des poissons? Comment nous comparons-nous aux autres pays?

Le monde s’oppose aux obstacles

Barrage du lac Alder | Getty

Nos voisins du sud envisagent sérieusement de supprimer des barrages pour restaurer leurs populations de poissons. La Infrastructure Investment and Jobs Act (IIJA) des États-Unis, le projet de loi bipartite sur le financement des infrastructures qui est entré en vigueur en novembre 2021, a affecté des milliards de dollars à la restauration des bassins hydrographiques 4,5 milliards de dollars ont ainsi été investis dans la restauration des bassins hydrographiques, dont 400 millions de dollars dans l’élimination des obstacles à la migration des poissons, 491 millions de dollars dans la restauration de l’habitat et 172 millions de dollars dans les activités de rétablissement des saumons du Pacifique.

L’IIJA investit également 2,4 milliards de dollars pour soutenir le démantèlement, la réhabilitation et la modernisation des barrages, dont 800 millions de dollars pour le démantèlement des barrages et 800 millions de dollars pour la modernisation des barrages, y compris des passes à poissons. Il est prévu que ce financement fédéral participe à mobiliser des contributions d’au moins 1 milliard de dollars ou plus en contributions étatiques, privées et philanthropiques pour la restauration des écosystèmes aquatiques.

Ce financement historique d’infrastructures a permis au Fish and Wildlife Service des États-Unis d’accélérer son programme national de passes à poissons qui a permis à plus de 2000 communautés de supprimer ou de contourner 3202 obstacles et de rouvrir l’accès à 93 000 kilomètres d’habitat en amont et à 78 421 hectares de milieux humides aux poissons et autres animaux. Au mois d’avril de cette année, le premier lot de 40 projets de construction de passes à poissons dans 23 États a été annoncé grâce au financement de l’IIJA. On s’attend à ce que des centaines d’autres suivent le mouvement au cours des cinq prochaines années.

Le Fenworthy Reservoir, Dartmoor, Devon, Angleterre | Getty

La Twenty-First Century Dams Act bipartisane est en outre actuellement à l’étude au Sénat des États-Unis. Si elle est adoptée, cette loi pourrait allouer 25,8 milliards de dollars supplémentaires destinés au démantèlement, à la réhabilitation et à la modernisation des barrages, dont 7,5 milliards de dollars consacrés spécifiquement au soutien du démantèlement de 1000 barrages obsolètes et à la restauration de 16 000 kilomètres de rivières.

Ces initiatives américaines font partie d’un mouvement mondial croissant visant à restaurer l’habitat des poissons. À titre d’autre exemple, Dam Removal Europe a commencé à démanteler jusqu’à 30 000 obstacles fluviaux obsolètes à travers le continent., tandis qu’en 2021 l’Union européenne a publié un document de politique de démantèlement des obstacles dans le cadre de sa stratégie en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030, qui comprend des conseils en matière de hiérarchisation du démantèlement des obstacles.

Obstacles à l’action sur les barrages au Canada

Bien que des fonds aient récemment été mis à disposition pour le démantèlement des obstacles au Canada, l’ordre de grandeur est nettement inférieur à celui de l’engagement constaté actuellement aux États-Unis et en Europe. De plus, toute dépense consacrée à l’élimination des obstacles a été éclipsée par les dizaines de milliards de dollars de fonds publics destinés à la construction de nouveaux barrages massifs, notamment les barrages du Site C en Colombie-Britannique, de Keeyask au Manitoba et des chutes Muskrat au Labrador, pour ne citer que quelques projets récents parmi les plus importants. L’Ontario évalue également actuellement le potentiel d’un plus grand nombre de barrages hydroélectriques dans le nord de la province.

La Fédération canadienne de la faune a entrepris de documenter de manière exhaustive l’ampleur des problèmes liés aux obstacles aquatiques à l’aide de la Base de données sur les obstacles aquatiques du Canada. Grâce à cette base de données, nous savons maintenant que peu de bassins hydrographiques ne sont pas touchés par des barrages, des chaussées, des routes et des franchissements au Canada. Des milliers d’obstacles ont été identifiés.  Plus d’informations au sujet de la BDOAC se trouvent ici.

Ces structures ont coupé les poissons de leur ancien habitat et ont, dans de nombreux cas, eu pour conséquence une réduction considérable de leurs populations. L’impact cumulatif d’obstacles multiples n’a pas encore été pris en compte avant que de nouveaux obstacles ne soient autorisés. Aucun système réglementaire et politique complet n’a été mis en place pour s’attaquer à ce problème, bien que le Canada abrite 20 % de l’eau douce de la planète.

Que pouvons-nous faire de plus

En plus d’augmenter les investissements, que pouvons-nous faire de plus au Canada pour soutenir l’élimination des obstacles?

  • Il faut que le gouvernement s’engage à commencer à réglementer les installations hydroélectriques existantes qui fonctionnent depuis des décennies sans approbation en vertu de la Loi sur les pêches.
  • Les permis doivent comprendre des exigences relatives au passage efficace des poissons.
  • Il est nécessaire de disposer de règlements adoptés en vertu des modifications apportées en 2019 à la Loi sur les pêches qui établissent des exigences claires relatives aux passes à poissons et aux débits des cours d’eau afin de protéger les écosystèmes aquatiques.
  • Il est nécessaire d’obtenir des engagements à tous les paliers gouvernementaux afin de restaurer les habitats aquatiques et riverains et les populations de poissons, ainsi qu’un équivalent du programme d’amélioration des passes à poissons National Fish Passage des États-Unis.
  • Davantage d’efforts doivent être entrepris afin de répertorier et de rétablir les espèces de poissons menacées d’extinction en raison de décennies de mauvaise gestion des habitats et de manque de surveillance.

Sans un financement important et une série de règlements et de politiques de soutien nécessaires pour guider la construction de nouvelles infrastructures améliorées, le démantèlement des obstacles et la restauration des habitats vont sans doute continuer à évoluer à un rythme d’escargot au Canada et les poissons vont continuer à en subir les conséquences.

La prochaine Journée mondiale des poissons migrateurs sera célébrée en 2024. En espérant que, d’ici là, les Canadiens auront beaucoup plus de progrès à célébrer en ce qui a trait à la migration des poissons.

Apprenez-en plus sur les travaux de la Fédération canadienne de la faune relatifs aux passes à poissons.