Il n’y a pas si longtemps, dans le cadre d’un projet scientifique hivernal, mon équipe a eu de la difficulté à trouver les groupes de wapitis nécessaires à notre étude.

Les wapitis étaient bien là, mais à l’abri des regards. Nous pensions qu’en utilisant des jumelles infrarouges (infrarouge à vision frontale ou IRVF), nous serions en mesure de détecter facilement la signature rouge vif émise par la chaleur corporelle d’un aussi grand mammifère dans un environnement hivernal glacial.

Mais la nature est en définitive bien plus intelligente que nous : nous n’arrivions pas à détecter le moindre animal malgré nos jumelles sophistiquées. Les wapitis et la plupart des autres grands mammifères qui passent l’hiver dans les prairies sont en effet si bien isolés qu’ils ressortent dans un ton bleu froid dans la lumière infrarouge, exactement comme leur environnement enneigé. Les seuls endroits par lesquels ils dégagent de la chaleur sont le nez et la bouche. Même à -30 °C, la fourrure des wapitis, des bisons, des cerfs et des antilocapres maintient leur chaleur contre leur corps, là où ils en ont le plus besoin.

Des adaptations cool à l’hiver

L’antilocapre (Antilocapra americana) © Getty Images

Les grands mammifères qui vivent dans les prairies ouvertes ont développé de nombreuses adaptations à l’hiver très « cool ». Imaginez combien c’est difficile pour ces animaux, qui sont pour la plupart herbivores. Il n’y a plus du tout d’herbe verte et même pour atteindre quelques tiges séchées, il faut d’abord fouiller dans une croûte de neige gelée. Pour faire face à la faim qui les tenaille tout l’hiver, les grands mammifères ralentissent leurs fonctions corporelles. Ils se déplacent moins, grandissent moins et, par conséquent, mangent moins pendant l’hiver. C’est certainement une réponse intelligente pour survivre à l’hiver quand il y a moins de nourriture disponible. Imaginez l’effet des premières pousses d’herbe verte pour un bison des plaines au printemps!

Le bison (Bison bison) © Getty Images

Les grands animaux des prairies nord-américaines sont particulièrement adaptés à l’hiver en  raison de la manière et des endroits où ils stockent leur graisse pour leur isolation hivernale et leurs réserves d’énergie : la majeure partie de la graisse est en effet stockée à fleur de peau, de sorte qu’elle agit comme une couche isolante contre l’air froid et le vent mordant des prairies découvertes. Et l’essentiel de cette graisse est concentré sur le haut du dos – en particulier chez les bisons – pour garder les organes vitaux au chaud. Cette graisse disparaît progressivement au cours de l’hiver, mais se régénère au cours de l’été à mesure des déplacements des bisons et de leur recherche inlassable de la délicieuse herbe verte qu’ils ne trouveront pas en hiver.

Il ne fait aucun doute que l’hiver est un défi pour les grands animaux qui vivent dans les prairies du Canada. Il est en effet impossible de s’y abriter du vent et du froid. Mais plutôt que de vous désoler pour ces bisons lorsque le blizzard souffle à travers les prairies ouvertes, pensez à leurs fourrures couvertes de neige et émerveillez-vous de l’adaptation qui rend cette scène possible. La neige ne fond pas, car toute la chaleur générée par ces étonnants animaux est piégée sous leur parka d’hiver faite de fourrure épaisse et de graisse. Ils n’ont pas besoin de creuser dans la neige pour se nourrir, car ils n’ont pas si faim.

Ils sont dans un paradis hivernal.