L’approche de l’industrie à la gestion des espèces en péril ne produit pas les résultats souhaités
Il y a deux façons de gérer les espèces en péril – du haut vers le bas (selon des exigences imposées par les gouvernements fédéral ou provinciaux, par exemple) et du bas vers le haut (au moyen d’approches volontairement mises en place par des citoyens, des entreprises, etc.).
L’Ontario utilise ces deux méthodes.
La Loi sur les espèces en voie de disparition est entrée en vigueur en 2008. Une modification à la Loi apportée en 2013 exigeait que certaines industries, notamment les exploitants de centrales hydroélectriques, gèrent elles-mêmes leur incidence sur les espèces en péril. Cette approche axée sur l’industrie indique que ces exploitants doivent :
- inscrire les installations qui nuisent aux espèces en péril au registre provincial.
- rédiger et mettre en œuvre leurs propres plans pour atténuer les effets négatifs de leurs activités.
- surveiller l’incidence de leurs activités et l’efficacité de leurs mesures sur la santé des populations d’anguilles.
Les plans et les rapports de surveillance devaient seulement être remis à la province sur demande. Cette approche obligatoire à la gestion des espèces en péril est relativement unique.
Étude de cas : évaluation de la gestion des espèces en péril en Ontario au moyen de l’anguille d’Amérique
Nous avons utilisé l’anguille d’Amérique, inscrite à la liste des espèces en voie de disparition en vertu de la Loi sur les espèces en voie de disparition de l’Ontario, pour évaluer les résultats de cette approche provinciale. L’anguille d’Amérique est une espèce catadrome, c’est-à-dire que les individus naissent dans l’océan, les civelles migrent ensuite vers un cours d’eau douce et retournent finalement à l’océan pour frayer lorsqu’elles atteignent la maturité. C’est beaucoup de déplacements dans des réseaux hydrographiques.
Malheureusement, les installations hydroélectriques nuisent aux anguilles en bloquant le passage des civelles en migration et en tuant une proportion des adultes qui se font broyer dans les turbines durant leur voyage de retour vers l’océan.
Méthode de déclaration
Nous avons obtenu des plans et des rapports de surveillance de partenaires industriels qui nous les ont fournis volontairement, ainsi que par l’intermédiaire de demandes à la province en vertu du droit à l’accès à l’information. Nous avons examiné les fiches d’observations et de collecte de données pour identifier les installations qui auraient vraisemblablement le plus d’effets négatifs sur l’anguille d’Amérique et nous avons vérifié si ces installations étaient inscrites au registre provincial.
Nous avons examiné leurs plans, et nous avons déterminé si leurs mesures respectaient les lignes directrices antérieurement établies par l’industrie hydroélectrique de l’Ontario. Nous avons également examiné leurs processus de surveillance pour évaluer s’ils étaient scientifiquement adéquats pour mesurer les effets négatifs de leurs installations sur l’anguille et pour estimer l’efficacité des mesures d’atténuation.
Moins de la moitié des installations étaient inscrites au registre provincial
Notre évaluation de l’approche de l’industrie à la gestion des anguilles a révélé que les effets positifs sur cette espèce sont limités. Particulièrement, nous avons trouvé que moins de la moitié des installations hydroélectriques qui nuisent aux anguilles sont inscrites au registre provincial. De plus, les programmes de surveillance ont été uniquement conçus pour déterminer s’il y a présence d’anguilles. Ils n’estiment pas le nombre d’individus, ni le pourcentage de ceux-ci auquel nuit l’installation. Des mesures qui respectaient les lignes directrices établies par l’industrie étaient mises en œuvre à trois installations seulement, et ce, que pour la migration des anguilles adultes. La moitié des installations inscrites au registre surveillait l’efficacité de leurs mesures, mais les conceptions expérimentales ne respectaient ni les lignes directrices, ni des normes scientifiques.
En bout ligne, selon les déclarations de l’industrie, il n’y a que deux anguilles qui ont été épargnées des turbines durant la période à l’étude.
La majorité des entreprises hydroélectriques n’ont pas élaboré de plan efficace pour protéger l’anguille d’Amérique. Parallèlement, elles n’ont pas non plus reçu de directives claires de la province par rapport à ce qu’elles devaient faire.
Comment pouvons-nous faire mieux?
Pour améliorer ce processus, la province pourrait établir des exigences plus claires pour l’inscription des installations nuisibles au registre provincial et pour les étapes à suivre par la suite. Les installations auraient alors l’obligation de mieux mesurer l’efficacité de leurs actions et de réduire davantage le dommage qu’elles font.
Puisque la population d’anguilles d’Amérique de l’Ontario — une espèce anciennement abondante — a connu un déclin de presque 99 % dans la province, il est impératif que les deux approches à la gestion des espèces en péril – c’est-à-dire vers le haut et vers le bas – soient mises en œuvre immédiatement, avant qu’il ne soit trop tard.