Lorsqu’on dit « plongeons huards », nous viennent à l’esprit des images de lacs cristallins qui résonnent du cri enchanteur de cet oiseau aquatique bien aimé.

Toutefois, de récentes données indiquent que c’est un cri de détresse qui est requis pour sauver cette espèce canadienne emblématique.

Au moyen de quatre décennies de données tirées de l’Inventaire canadien des plongeons huards, le personnel d’Oiseaux Canada a étudié les effets de plusieurs menaces perçues à la productivité des huards. Afin de mesurer cette productivité, on a examiné le nombre de petits de six semaines par couple de huards. Afin de préserver la santé des populations de huards, la productivité doit être supérieure à 0.48 oisillon de six semaines par couple par année. Si la productivité baisse au-dessous de ce seuil, les populations de huards pourraient connaître un déclin.

Alors comment se portent les huards du Canada selon ces données? Bref, pas tellement bien! Au cours des 30 dernières années, leur productivité a baissé au taux de -1,4 % par couple, par année. Au début des années 1990, les huards produisaient en moyenne 0,7 petit par couple, par année. Au cours des dernières années, les couples produisent en moyenne 0,55 jeune par année. Nous nous approchons dangereusement du seuil critique de 0,48 petit par couple par année.

Tandis que des baisses de productivité ont eu lieu un peu partout au Canada, les taux de déclin ne sont pas les mêmes à l’échelle du pays. Ce sont les provinces de l’Atlantique qui affichent la plus importante baisse. Depuis le début des années 2000, la productivité des huards a baissé à moins de 0,48 petit par couple, par année. Tandis que des baisses ont eu lieu en Colombie-Britannique, en Ontario et dans les Prairies, elles ne sont pas aussi accrues, et la productivité est demeurée au-dessus du seuil de 0,48 jeune par couple pendant la majorité des années. Les perspectives sont un peu plus positives pour les huards du Québec – leur productivité semble stable.

Examinons certains des risques apparents qui menacent le plongeon huard et ce que l’Inventaire canadien des plongeons huards en dit.

Aménagement des rivages et circulation des bateaux

Boat on the waterNous savons que l’aménagement des rives et la circulation des bateaux posent d’importants problèmes pour les plongeons huards. Les rivages naturels offrent des sites de nidification et permettent d’éloigner les prédateurs. L’aménagement des rives a souvent pour effet de dégrader les sites de nidification et d’attirer les prédateurs. Les bateaux peuvent blesser et même tuer les jeunes huards et les adultes, et les vagues qu’ils produisent peuvent inonder les nids. Bien que l’aménagement des rivages et la circulation des bateaux peuvent grandement réduire le nombre de couples de huards sur un lac, il ne s’agit pas des menaces principales à la productivité.

Température au début du printemps

Lorsqu’il fait plus froid au mois d’avril, moins de petits sont produits. Lorsqu’il fait plus chaud, les couples ont davantage d’oisillons. Il y a une espèce de mouche noire qui a tendance à se nourrir du sang du plongeon huard. Les températures froides en avril  entraînent davantage de mouches noires. Ces dernières perturbent tellement les huards que certains d’entre eux abandonnent leur nid. Tandis que certains couples peuvent refaire un nid, d’autres ne le font pas, ce qui nuit à la productivité. Les printemps plus froids peuvent aussi retarder le moment du dégel. Le dégel tardif retarde le retour des huards et raccourcit la saison de reproduction. Néanmoins, les températures plus froides en avril ne sont pas la principale menace à la productivité des huards.

Aigles et cormorans

Selon l’Inventaire canadien des plongeons huards, les aigles et les cormorans n’ont pas un effet négatif sur la productivité des huards. On croyait que l’aigle, qui mange les œufs et les petits huards, et le cormoran, qui fait concurrence aux huards pour la prise de poissons, pourraient nuire à la productivité de l’oiseau. Mais ce n’est pas le cas. En fait, les lacs qui ont des aigles à tête blanche et des cormorans à aigrettes offrent de meilleurs habitats de reproduction aux huards. C’est peut-être parce qu’on retrouve des aigles et de cormorans près des lacs ayant beaucoup de poissons, essentiels à la diète du huard.

En réalité, c’est la combinaison des trois facteurs suivants qui a le plus grand effet sur la productivité des huards :

Pluies acides

Les pluies acides nuisent aux huards de quelques façons. D’abord, les pluies acides et les métaux toxiques limitent la croissance, la reproduction et la survie du poisson, ce qui signifie qu’il y a moins de nourriture pour les huards. Ensuite, l’acidité est liée à une hausse du mercure dans la chaîne alimentaire. Puisque les huards sont des prédateurs de niveau trophique supérieur, ils sont à risque plus élevé de toxicité par le mercure s’ils se trouvent sur des lacs acides. L’Inventaire canadien des plongeons huards abonde dans ce sens. Ce qui est étonnant, c’est que le Canada et les États-Unis ont grandement réduit (jusqu’à 90 %) la pollution qui cause les pluies acides, et de nombreux lacs canadiens ne sont plus aussi acides qu’ils l’étaient. Or, les huards élèvent moins de petits sur des lacs plus acides. Bien qu’on ne comprenne trop pourquoi, ce phénomène pourrait être lié au mercure et au changement climatique.

Mercure

Le mercure est libéré dans l’atmosphère principalement par la combustion de combustibles fossiles et s’introduit dans les lacs. Les huards dont les taux de mercure sont plus élevés sont moins productifs. Les adultes présentant une plus forte teneur en mercure sont plus léthargiques et passent moins de temps à couver leurs œufs et à nourrir leurs petits. Les jeunes qui sont dans le même cas ont un système immunitaire plus faible et sont plus vulnérables à la prédation. Le huard souffre directement de hauts niveaux de mercure et, lorsque leur proie de prédilection, la perchaude, a de hautes concentrations de mercure, la productivité du huard en souffre.

Changements climatiques

Si les prévisions relatives aux fluctuations des niveaux d’eau et à la hausse des températures de l’eau des lacs sont exactes, les changements climatiques pourraient aggraver les problèmes que posent aux plongeons les pluies acides et le mercure. La baisse du niveau d’eau pendant les sécheresses expose les sédiments lacustres à l’oxygène si bien que, par le biais de diverses réactions chimiques, elle accroît l’acidité lorsque le niveau remonte. Il s’ensuit une hausse de l’activité des bactéries méthylantes et, partant, de la concentration de mercure chez les poissons et les plongeons. En outre, l’augmentation de la température de l’eau accroît aussi l’activité des bactéries méthylantes, ce qui a son tour augmente les niveaux de mercure chez les poissons et les huards. Par conséquent – avec l’augmentation de la fréquence et de l’ampleur des fluctuations des niveaux d’eau et la persistance de la hausse de la température de l’eau sous l’influence des changements climatiques – il faut s’attendre à ce que les plongeons soient exposés à répétition à de grandes quantités de mercure et à ce que leur productivité continue de diminuer.

Inverser la tendance

Ces problèmes ne marquent pas nécessairement la fin pour cet oiseau bien aimé. Nous avons encore le temps d’inverser la tendance. Au Canada, on estime qu’il y a 240 000 couples de plongeons huards qui produisent en moyenne plus de 0,48 jeune par année. Ce sont de bonnes nouvelles! Nous devons simplement nous assurer qu’ils demeurent au-dessus de ce seuil – et nous avons tous un rôle à jouer pour y arriver! Comment? Lisez les suggestions suivantes pour savoir comment vous pouvez aider :

  • Créez ou améliorez votre zone tampon riveraine – La bande de végétation autour de votre rivage contribue à la santé de votre lac. Un rivage naturel offre des endroits sûrs aux huards pour faire leur nid et protège aussi contre l’érosion et le ruissellement.
  • Laissez de la végétation surplombante – La végétation surplombante offre de l’ombre, rafraîchit la température de l’eau et fournit d’importants habitats à la faune, y compris aux poissons. Les poissons se nourrissent et se reproduisent souvent sous la végétation surplombante. Le feuillage, les brindilles, les fruits, les fleurs et même les insectes qui se trouvent sur ces plantes représentent une source de nourriture importante pour de nombreuses espèces. Et les huards profiteront vraisemblablement des meilleures populations de poissons.
  • Soyez un plaisancier averti – Le sillage des bateaux peut détruire le nid des huards, et les bateaux mêmes peuvent blesser et tuer les petits et causer leur séparation des parents. En Alberta, en Colombie-Britannique, au Manitoba, en Ontario, en Saskatchewan et en Nouvelle-Écosse, les plaisanciers doivent respecter les limites de vitesse affichées de 10 km/h à 30 mètres du rivage, à moins qu’autrement indiqué.

Essayez de réduire votre empreinte écologique. Ce faisant, vous contribuerez à la réduction des effets des pluies acides, du mercure et des changements climatiques sur la productivité des huards.

Apprenez-en plus sur les façons d’aider les rivages et la faune qui en dépend à VotreLacetVous.ca.