Avec le changement climatique qui apporte son lot de bouleversements, des espèces qui ne devraient vraiment pas partager l’espace deviennent de nouveaux voisins

Nous savons que le changement climatique a de nombreuses conséquences sur le monde, de l’augmentation des températures moyennes mondiales au réchauffement des océans en passant par l’élévation du niveau des mers et par une augmentation de la fréquence et de l’intensité des événements météorologiques extrêmes. Mais il crée aussi de nouveaux voisins. C’est vrai; certaines espèces répondent aux changements de conditions en déplaçant leurs habitats et en entrant en contact avec des espèces qu’elles n’auraient pas rencontrées normalement. Bien que cette situation puisse être bénéfique pour certaines espèces, elle peut être néfaste pour d’autres. Jetons un coup d’œil à certains nouveaux voisins et découvrons comment se passe la cohabitation.

Du nouveau dans le voisinage : l’épaulard

Autrefois, les épaulards n’avaient normalement pas accès à certaines parties de l’océan Arctique. Vous voyez, les épaulards essaient d’éviter la glace. Il est difficile pour eux de nager dans les eaux glacées avec leur nageoire dorsale. Or, avec la fonte de la glace de mer, non seulement davantage d’épaulards s’aventurent plus au nord, mais ils y passent aussi plus de temps. Mais on ne leur déroule pas nécessairement le tapis rouge. Certaines espèces-proies qui pouvaient auparavant compter sur la glace de mer pour éloigner les épaulards – des espèces comme la baleine boréale, la baleine grise et le phoque – sont maintenant plus vulnérables à la prédation des épaulards. Et n’oublions pas les narvals. Une étude montre que les épaulards changent le comportement et la répartition des narvals en les forçant à se rapprocher des rivages, et donc à s’éloigner des poissons sur lesquels ils comptent, pour éviter la prédation.

Du nouveau dans le voisinage : l’ours polaire

Que se passe-t-il lorsque les ours polaires se déplacent vers le sud avec la glace de mer de l’Arctique qui s’amincit et que les grizzlys, eux, se dirigent vers le nord? Nous obtenons ce que l’on pourrait appeler un grizzly polaire, le résultat de la reproduction d’un grizzly et d’un ours polaire. Bien que le premier hybride ait été découvert en 2006 dans les Territoires du Nord-Ouest, le nombre d’observations est en augmentation. Nous pouvons donc nous demander si ces hybrides fertiles deviendront plus prédominants et si c’est le cas, quel en sera l’effet sur les populations d’ours polaires déjà vulnérables.

Du nouveau dans le voisinage : l’achigan

L’achigan à grande bouche

L’achigan tire profit des températures de l’eau qui se réchauffent dans le nord de l’Ontario. L’achigan à grande bouche, l’achigan à petite bouche et le crapet de roche, des poissons vivant typiquement dans le sud de l’Ontario, se déplacent vers le nord pour atteindre des lacs qui étaient auparavant inhabitables. Ils ne sont pas seuls. Selon cet article, les barbottes, les crapets arlequin et les crapets-soleils font la même chose. Que se passe-t-il quand ces espèces étendent leurs habitats? Les données montrent que l’achigan fait des ravages sur les populations de têtes-de-boule et de ventres rouges du Nord. L’omble de fontaine peine à faire concurrence à l’achigan à petite bouche une fois cet intrus établi.

Du nouveau dans le voisinage : le pic à ventre roux

Les oiseaux changent aussi d’habitat et le changement climatique compte parmi les raisons de ce déplacement. Le pic à ventre roux fait partie de ces espèces. Originalement présent dans le sud-est et le centre des États-Unis, il peut maintenant être aperçu dans le sud de l’Ontario. L’on craint qu’il puisse entraîner le déplacement non seulement d’autres espèces de pics, mais aussi d’autres oiseaux, puisqu’ils se font concurrence en matière de nourriture et d’habitat.

Du nouveau dans le voisinage : l’arbuste

Nous ne devons pas non plus oublier les plantes. Les arbustes empiètent maintenant sur la région de la toundra arctique du Yukon. Cela fournit un habitat non seulement aux espèces du sud du Canada qui se déplacent vers le nord, mais aussi aux espèces du nord qui sont maintenant capables d’accéder à des régions auxquelles elles n’avaient pas accès auparavant.

Du nouveau dans le voisinage : l’orignal et le castor

L’orignal se retrouve maintenant dans la région yukonaise de North Slope, alors qu’il ne s’y trouvait pas dans les années 1990. Le castor, un animal que l’on ne s’attendrait pas à retrouver dans la toundra sans arbres, s’y trouve maintenant. Bien que de nombreuses espèces bénéficieront de l’empiétement de la végétation boisée, d’autres pourraient ne pas s’en tirer aussi bien. Les barrages créés sur les rivières par les castors bloqueront les cours d’eau, ce qui pourrait empêcher les poissons d’atteindre leurs lieux de frai. Nous devrons attendre pour constater les autres conséquences pouvant résulter de l’arrivée de ce nouveau voisin.

Bien que l’incidence directe sur les écosystèmes du déplacement des habitats de certaines espèces en réponse au changement climatique ne soit pas encore totalement comprise, la plupart d’entre nous peuvent s’entendre sur une chose : il y aura des gagnants et des perdants. Certaines espèces pourront s’adapter aux changements et certaines iront même jusqu’à prospérer, mais d’autres peineront à s’ajuster et pourraient même disparaître.