Si Disney nous a bien appris quelque chose, c’est à apprécier le caractère divertissant et universel de l’anthropomorphisme, c.-à-d., de l’attribution de caractéristiques ou de comportements humains à des espèces animales (entre autres).
Même si nous avons tous adoré les aventures de rois lions rongés par le remords et de poissons-clowns anxieux en trois dimensions, une question simple se pose : les vrais animaux ont-ils une personnalité?
La personnalité des animaux, y compris des hommes, est déterminée à la fois par des facteurs génétiques (génome) et environnementaux (expériences). Cela étant dit, les scientifiques et les amis des animaux se demandent souvent s’il existe des différences notables dans les types de comportements manifestés par les diverses espèces sauvages. En règle générale, la personnalité d’un animal renvoie à la constance des types de comportements qu’il adopte. Un opossum peut-il être plus joueur qu’un autre? Une meute de loups peut-elle compter des spécimens possédant différents degrés de courage ou de timidité? Un grizzly peut-il présenter un tempérament plus « grizzly » qu’un autre? Sans surprise, la réponse est « oui »!
« Nous pouvons affirmer sans l’ombre d’un doute qu’ils possèdent leur propre personnalité et qu’ils présentent des différences sur le plan comportemental, explique Carolyn Callaghan, biologiste principale de la conservation de la faune terrestre au sein de la Fédération canadienne de la faune. Dans le cadre de notre travail avec les loups du parc national fédéral Banff, par exemple, nous avons découvert que certains loups faisaient preuve d’un grand courage en utilisant les passages inférieurs situés sous l’autoroute transcanadienne, tandis que d’autres ne les utilisaient jamais malgré le fait que de nombreuses proies se trouvaient de l’autre côté. »
Mme Callaghan suggère que le fait de connaître l’éventail des réactions des espèces sauvages aux activités humaines permet de prendre des mesures de gestion adaptées aux spécimens les plus sensibles. Par exemple, certains spécimens seront trop timides pour utiliser les passages inférieurs des autoroutes, mais ils pourraient utiliser un passage supérieur. La gestion des spécimens les plus sensibles aidera les défenseurs des espèces sauvages à préserver les gènes des divers spécimens compris dans une population.
Les personnes qui passent leur temps à regarder des vidéos YouTube sur les espèces sauvages ont sans doute trouvé de nombreux exemples d’espèces animales sauvages manifestant des comportements inattendus ou inhabituels. Cependant, malgré ces témoignages visuels, comment les scientifiques et les chercheurs étudiant les animaux usent-ils de leur compétence pour appréhender l’idée de personnalité et de variations individuelles dans le contexte de la science et de l’écologie?
« Étudier divers spécimens dans un cadre qui vous permet d’observer leur comportement sans l’influencer est une solution, explique Mme Callaghan. Cette démarche implique généralement de les marquer d’une manière ou d’une autre, mais certains scientifiques ont étudié le comportement de différents animaux sans les avoir marqués. » Dave Mech a étudié les loups dans le Haut-Arctique pendant de nombreuses années sans leur poser de collier. Ils le laissaient les suivre à une certaine distance. »
Annie Langlois, coordonnatrice du projet emblématique Faune et flore du pays, une série de vidéos éducatives consacrées à la conservation, soutient également le concept voulant que les animaux puissent se démarquer les uns des autres.
« Les animaux peuvent avoir différentes personnalités, affirme Mme Langlois. Lorsque je menais des recherches, j’étudiais l’arlequin plongeur. Au cours de mes observations comportementales, j’ai pu facilement constater que certains arlequins étaient plus agressifs que d’autres. J’observais un spécimen pendant 30 minutes et notais chaque type de comportements. Au fil du temps, j’ai remarqué des différences importantes, notamment pendant la mue. »
Selon divers chercheurs, le fait d’étudier les animaux en vue de déterminer les degrés de variation entre leur personnalité pourrait jouer un rôle important dans leur conservation. La connaissance des différents types de personnalité et modèles comportementaux peut permettre de sélectionner les spécimens les plus à même d’être relâchés dans la nature. Par exemple, un animal qui a tendance à se montrer moins agressif et qui fait preuve d’une plus grande prudence pour explorer un nouvel environnement est en réalité plus susceptible de survivre après avoir été relâché. À l’inverse, des animaux plus courageux et plus agressifs réussissent plus souvent à se reproduire et sont des candidats de choix pour être relâchés dans des zones qui doivent être repeuplées rapidement.
Cette volonté d’étudier la manière dont les animaux non humains ressentent et expriment leurs émotions en se fondant sur leur humeur et leur personnalité n’a pas toujours figuré parmi les priorités soutenues par les chercheurs scientifiques. Malgré cette réticence, cependant, des progrès ont été réalisés dans ce domaine d’études qui remonte à l’époque de Charles Darwin. Dans son essai de 1872 intitulé « The Expression of the Emotions in Man and Animal », Darwin a émis l’hypothèse que la similitude physiologique de l’homme et des autres animaux suggérait que toutes les espèces devaient éprouver des sentiments identiques, des sentiments qui pouvaient se manifester sous la forme de caractéristiques comportementales distinctives.
Pour conclure, tant qu’il n’existera aucun consensus définitif sur le degré d’existence des personnalités animales et l’incidence qu’elles ont sur chaque espèce, nous devrons déterminer par nous-mêmes si le cougar sur lequel nous sommes tombés nous sourit, ou s’il tâche de décider si nous ferions un bon repas!