Est-il correct de nourrir un ami à plumes dans votre paume? Notre expert en résidence répond par l’affirmative, mais uniquement quand les circonstances s’y prêtent.

Il est bien connu que certaines espèces d’oiseaux puissent être invitées à prendre de la nourriture directement dans votre main. Les merles bleus, les mésanges, les geais et les sittelles, pour n’en citer que quelques-uns, peuvent être entraînés à saisir des ténébrions ou des graines dans votre paume. Vous pouvez nourrir plusieurs colibris à la fois avec de l’eau sucrée que vous tenez dans votre main.

Mais ce n’est pas parce que nous pouvons le faire que nous devons le faire. Voici ce que j’en pense.

Permettez-moi d’abord de fixer mes limites.

Tout d’abord, je suis contre le fait d’offrir des souris, vivantes ou mortes, à tout oiseau de proie, pour quelque raison que ce soit, car un rapace nourri pourrait finir par associer tous les humains à des offrandes de nourriture, une mauvaise idée pour toutes les personnes concernées. De plus, certaines espèces, comme la chouette rayée, qui acceptent de prendre des souris vivantes dans les mains, sont également connues pour frapper des humains en défendant leur nid. Outre les blessures physiques potentielles pour l’attaquant et pour la victime, imaginez le traumatisme à vie d’un enfant après une telle attaque.

Sans compter que les rapaces subissent un préjudice à leur réputation aux yeux du public à un moment où ils ont besoin de notre protection. On a également démontré que le fait de nourrir des rapaces avec des proies vivantes à proximité d’une route peut entrainer des collisions avec des véhicules. Deuxièmement, je m’oppose à ce que l’on nourrisse à la main les canards, les oies, les cygnes et les goélands dans les parcs et surtout sur les plages publiques. Outre le fait qu’ils sont de plus en plus nombreux à importuner les plagistes, leurs excréments abondants dans l’eau peuvent provoquer des maladies comme l’Escherichia coli chez les baigneurs. Je parle d’expérience. Les goélands et les cygnes peuvent aussi devenir dangereusement agressifs.

Troisièmement, il n’est pas recommandé de nourrir les espèces menacées ou en voie de disparition avec la main. Par exemple, compléter la nourriture des geais à gorge blanche, une espèce menacée, peut nuire à leur succès de reproduction en influençant le moment de l’envol de leurs petits.

Alors, quand est-il acceptable de nourrir les oiseaux à la main? Puisque nous offrons déjà divers aliments sains aux visiteurs de nos jardins par le biais de nos mangeoires, je ne vois pas d’inconvénient à ce qu’ils reçoivent également de la nourriture à partir de nos mains. Qu’en est-il du fait de nourrir les oiseaux à la main dans les parcs publics? Je ne connais pas d’études scientifiques qui démontrent que ces oiseaux finissent par s’attendre à être nourris et qu’ils sont stressés lorsque la nourriture ne vient pas. Je pense que les oiseaux qui viennent volontiers vers les humains, que ce soit vers une mangeoire ou vers une main, les traitent simplement comme des points de restauration rapide, revenant toujours à leur alimentation naturelle lorsqu’elle est disponible.

Je vous laisse avec un dernier exemple : offrir des miettes de pain, du fromage, des raisins secs, du granola ou des croquettes pour animaux aux geais du Canada (notre futur oiseau national, espérons-le) lors d’un arrêt routier, dans un camping ou sur un sentier de randonnée ou de ski. Cette activité apporte beaucoup de plaisir et entretient l’amour de la nature, et des expériences menées dans le parc Algonquin par Dan Strickland, le plus grand spécialiste canadien de l’espèce, ont également démontré que « l’apport de suppléments hivernaux amène les geais reproducteurs à élever des oisillons plus nombreux et en meilleure santé ». Quant à la possibilité que des aliments aussi inhabituels puissent être nocifs pour les geais, Dan explique que « les geais du Canada subsistent normalement tout l’hiver grâce à des morceaux de chair crue de vertébrés, d’insectes, d’araignées, de baies et de champignons, tous à différents stades de décomposition, surtout s’il y a eu des dégels hivernaux qui favorisent une croissance bactérienne encore plus importante que d’habitude ». Si tout cela ne leur fait pas de mal, un raisin sec constitue-t-il une menace?

Mon dernier mot sur la question de l’alimentation des oiseaux est que, jusqu’à ce que nous disposions d’autres études, offrir de la nourriture saine avec les mains à divers oiseaux chanteurs non agressifs dans les espaces verts publics ou dans votre jardin ne risque pas de leur faire du tort. De plus, les avantages (encore une fois, pour toutes les parties) semblent l’emporter sur les risques.

 

Tiré du magazine Biosphère. Pour découvrir le magazine, cliquez ici. Pour vous abonner à la version imprimée ou numérique ou bien acheter le dernier numéro, cliquez ici.