Un documentaire qui dévoile la vérité troublante au sujet de cette espèce en voie de disparition et qui vous implore de la connaître et de l’aimer
Avec moins de 350 individus qui restent sur la planète, la baleine noire de l’Atlantique Nord est sur le point de disparaître. Les collisions avec les navires et l’enchevêtrement dans des engins de pêche figurent parmi les menaces imminentes auxquelles elle est confrontée, mais les changements climatiques représentent aussi un problème réel et effrayant. Les chercheurs disent que cet animal pourrait ne plus exister d’ici 2040. Quelle perte! Il y a des gens qui travaillent sans relâche pour sauver l’espèce, des gens comme Nadine Pequeneza, la réalisatrice de Last of the Right Whales, un documentaire qui sera présenté dans des salles de spectacle partout au pays à partir du 20 février. Ce documentaire a déjà remporté le prix du meilleur long métrage canadien au festival international des documentaires environnementaux Planet in Focus. Il mérite certainement tous les honneurs qui lui reviennent.
Je me suis assise avec Nadine pour lui parler de la baleine noire de l’Atlantique Nord et de son incroyable documentaire qui incite le public à mieux connaître cette baleine en péril et à l’aimer.
Entrevue avec la réalisatrice
« Les gens connaissent peu cette baleine et les menaces auxquelles elle est confrontée, explique Nadine. Et ce n’est pas uniquement la baleine noire de l’Atlantique Nord qui est touchée par les activités humaines de cargaison et de pêche. Je me suis donc dit que si nous étions pour perdre cette espèce qui existe sur la planète depuis des millions d’années en raison de notre ignorance, nous devrions faire quelque chose pour l’éviter. Si on pense à toutes les planètes qui existent dans l’Univers, elles n’ont pas toutes les formes de vie que nous avons ici. On doit donc les protéger.
Les chercheurs étudient ces baleines depuis les années 1930. Ils les répertorient, leur donnent un nom et les suivent tout au long de leur vie. Elles ne sont pas simplement des baleines. Elles sont des baleines avec des familles – avec des baleineaux et des petits-baleineaux. Les chercheurs ont répertorié ces arbres généalogiques et ont constaté des similitudes dans les endroits où vont les baleines pour mettre bas et pour élever leurs petits, et même où elles pourraient aller se nourrir. Les recherches scientifiques se poursuivent, mais tout semble indiquer que les baleines se souviennent. Puisque les chercheurs créent des relations étroites avec ces baleines, je voulais le véhiculer dans le film, et je voulais que les spectateurs aient aussi cette relation.
Il n’y aucun autre type de récit qui permet aux gens de vraiment vivre l’expérience sans devoir y être en personne à un moment précis, qui permet de vivre l’expérience audiovisuelle et de pouvoir pratiquement suivre les pas des personnes qui œuvrent aux premières lignes pour régler cet enjeu. »
Connaître les individus
Le film nous présente une myriade de héros qui ont consacré leur temps et parfois leur vie à protéger la baleine noire de l’Atlantique Nord. Il nous présente aussi deux baleines très spéciales – Snow Cone et son baleineau. Tout au long du film, les spectateurs ont la chance de témoigner de la façon dont ces deux mammifères communiquent entre eux, et éventuellement, de la destruction de leur lien en raison de l’activité humaine. Il est presque impossible de voir leur parcours et leur relation et ne pas ressentir de l’empathie.
C’est ce que souhaitait accomplir Nadine avec ce film. « Nous avons tourné pendant 2 ans et demi et nous avons appris à connaître ces baleines. Souvent, la façon dont nous pouvons établir un rapport avec les animaux, c’est en leur donnant des caractéristiques humaines. C’était un des objectifs du documentaire – de montrer aux gens les caractéristiques humaines que partagent tous les animaux. Le lien entre une mère et son enfant et entre une baleine et son baleineau? On voit ça parmi tous les mammifères. »
Leur histoire, malheureusement, n’est pas dépourvue de menaces humaines quotidiennement – notamment l’enchevêtrement et les collisions avec des navires.
Une triste histoire à raconter
Tous les ans, de nombreuses baleines noires de l’Atlantique Nord entrent en collision avec des navires. En 2017, par exemple, 17 baleines noires ont été tuées (et ce chiffre pourrait en fait être plus élevé). De ces mortalités, cinq individus sont entrés en collision avec des navires. Les nécropsies effectuées sur des baleines ont démontré que les collisions avec les navires peuvent fracturer des os, causer de graves hémorragies et endommager les vaisseaux sanguins autour des nageoires dorsales.
De la même façon, environ un quart des baleines noires de l’Atlantique Nord s’enchevêtrent dans des engins de pêche. Certaines en ressortent avec de petites cicatrices, mais d’autres subissent une mort horrible. Une baleine enchevêtrée a plus de difficulté à se déplacer librement, à se reproduire et à se nourrir. Les enchevêtrements peuvent mener aux infections et peuvent trancher des muscles et des os. Lorsque la baleine ne peut pas se libérer de l’engin de pêche, elle finit par se noyer… ce qui peut prendre plusieurs mois. Quatre-vingt-cinq pour cent des baleines noires de l’Atlantique Nord ont des cicatrices causées par l’enchevêtrement – ce qui prouve que c’est une menace bien trop réelle pour elles.
Mais il y a encore de l’espoir
Bien que le film se permette de présenter les vraies horreurs qui menacent ses animaux, on ressent aussi l’espoir que Nadine tente de véhiculer par rapport au sort des baleines.
« J’ai de l’espoir, car nous sommes la cause du problème. Nous sommes la plus grande menace à l’existence des baleines. Ou du moins, la plus grande menace immédiate. Nous pouvons changer nos comportements, changer la façon dont nous utilisons les océans et trouver des façons qui permettent aux deux espèces – les humains et les baleines – de coexister dans les océans, explique Nadine. De nombreux ingénieurs et pêcheurs tentent de trouver des façons plus sécuritaires de pêcher. Il y a eu beaucoup de tests qui ont été menés au cours des quatre ou cinq dernières années. Certains des systèmes ont été utilisés avec succès dans d’autres régions du monde depuis plusieurs années. Je suis très heureuse de constater que nous adoptons aussi cette approche au Canada et aux États-Unis.
Je crois que nous sommes en mesure de protéger les baleines et d’autres cétacés dans les océans. Mais nous devons nous réveiller et faire ce qui est requis. Nous savons que nous avons réussi à certains endroits. Mais à cause des changements climatiques, des changements dans les conditions, nous devons mettre en place les mêmes mesures de protection dans de nouveaux endroits. »
Héros éternels
« Je respecte beaucoup les personnes qui sont là à long terme, comme Barb Zoodsma (coordonnatrice du programme de rétablissement de la baleine noire de la National Oceanic and Atmospheric Administration dans le sud-est des États-Unis), Charles ‘Stormy’ Mayo (directeur du programme d’écologie de la baleine noire du Center for Coastal Studies à Provincetown), Moira Brown (chercheuse principale au Canadian Whale Institute) et Michael Moore (biologiste marin au Woods Hole Oceanographic Institution). Ils font ce travail depuis des décennies – travailler pour sauver l’espèce. Je respecte énormément leur ténacité, car chaque fois que les aires de répartition des baleines noires changent en raison des changements climatiques, ils doivent sensibiliser un tout nouveau groupe de personnes – des gouvernements, des organismes de réglementation et autres.
J’ai aussi énormément de respect pour les jeunes personnes qui viennent d’arriver, comme le cinématographe Nick Hawkins qui a voulu faire tout ce qu’il pouvait pour capturer les images qu’ils trouvaient importantes pour la protection de l’espèce. Les images sont essentielles à la protection de l’espèce. Il est impossible d’aimer une chose que nous n’avons jamais vue.
Martin Noël – un pêcheur de crabes au Nouveau-Brunswick – est un héros à mes yeux, car il essaie de toutes les façons possibles de protéger l’espèce en essayant de nouveaux types d’engins qui visent à faire disparaître les cordages de la colonne d’eau ou à les rendre moins dangereuses pendant un certain temps. Il essaie des engins. Il fait partie de l’équipe de secours récemment formée dans le golfe du Saint-Laurent. Il n’y en avait pas auparavant, car les baleines n’étaient pas présentes. Il amène également les chercheurs avec lui tous les ans pour qu’ils puissent mener leurs recherches. Il dirige son bateau pour qu’ils puissent se trouver où ils doivent pour obtenir des échantillons, prendre des photos et faire des observations.
Ça prend un visionnaire pour réagir de cette façon alors qu’il est question de son gagne-pain. Imaginez que quelqu’un vous approchait et vous disait que vous ne pouvez plus gagner votre vie de la même façon que votre famille l’a fait pendant des générations et que c’est un problème que vous ne connaissiez même pas. C’est la façon dont les gens doivent l’envisager. Lorsque nous comprenons les enjeux et que les pêcheurs doivent faire partie de la solution, nous avons la chance de sauver l’espèce. Ça n’a aucun sens de penser que nous pouvons régler le problème sans la collaboration des pêcheurs. »
De l’empathie à l’action
Mais les héros ne peuvent pas y arriver seuls. Ils ne peuvent pas sauver l’espèce sans aide. Ils ont besoin d’une armée de personnes qui les soutiennent. Et donc, nous espérons que lorsque vous irez au cinéma à partir du 20 février, que vous ouvrirez vos cœurs à cette espèce. Lorsque nous avons demandé à Nadine ce qu’elle aimerait que les spectateurs retiennent du film, elle a dit : « D’abord, j’espère qu’ils aimeront la baleine noire de l’Atlantique Nord. J’espère qu’ils sentiront qu’ils ont un lien avec elle. J’espère qu’ils sentiront de l’empathie pour Snow Cone et ses baleineaux – celui qui est mort et celui qui vient de naître. Et bien que ce soit un miracle, la mère et son bébé sont à risque cause de cet enchevêtrement. J’espère qu’ils ressentiront de l’empathie, mais aussi qu’ils verront des solutions. Qu’ils verront qu’il est possible pour nous de changer nos comportements de façon qu’il soit possible de coexister. »