Il existe plus de 1300 espèces de chauves-souris dans le monde, dont 19 sont présentes au Canada.

Nos chauves-souris sont extrêmement importantes, non seulement pour notre environnement, mais aussi pour notre économie. Une fois le soleil couché, elles se mettent au travail et mangent les parasites de nos jardins. Elles sont également extrêmement bénéfiques pour l’agriculture.

Les chauves-souris rapportent en effet des économies de 3,7 milliards de dollars par année au secteur agricole en Amérique du Nord.

Malheureusement, elles sont en sérieux déclin. Comme pour les humains, la pérennité de leurs populations dépend davantage d’un taux de survie élevé que d’un taux de natalité élevé. Parmi les 19 espèces de chauves-souris présentes au Canada, 13 donnent naissance à un seul petit par an. Chaque vie est donc essentielle à la croissance de la population. Au cours des 10 dernières années, des millions de chauves-souris ont péri et certaines de nos espèces les plus précieuses ont été classées comme étant en voie de disparition : la pipistrelle de l’Est, la chauve-souris nordique et la petite chauve-souris brune.

Les chauves-souris font face à d’énormes menaces, notamment la perte de leurs habitats, le syndrome du museau blanc, les éoliennes et une nouvelle menace croissante : les pesticides à base de néonicotinoïdes.

Que sont les néonicotinoïdes?

Les néonicotinoïdes ont été introduits dans les années 1990, parce que de nombreux insectes devenaient résistants aux insecticides utilisés depuis longtemps. Ces nouveaux insecticides sont chimiquement liés à la nicotine et connus pour leur toxicité envers les insectes. Aujourd’hui, l’utilisation de cinq de ces insecticides, le thiaclopride, la clothianidine, l’acétamipride, l’imidaclopride et le thiaméthoxame, est approuvée au Canada.

Ils sont utilisés pour des cultures comme le blé, le maïs, le soja, les pois, les haricots, les fruits et les légumes. Ils sont appliqués sur les plantes sous forme d’enrobage de semences, dans des solutions de sols ou des pulvérisations sur les feuilles et les tiges. Ils demeurent actifs dans les plantes pendant des mois et dans les sols pendant des années.

Comment les néonicotinoïdes affectent-iles les chauves-souris?

Les néonicotinoïdes pourraient avoir un impact sur nos chauves-souris bien-aimées de nombreuses manières :

  1. En épuisant les populations d’insectes, source de nourriture des chauves-souris
  2. En empoisonnant les chauves-souris qui mangent des insectes contaminés par les néonicotinoïdes
  3. En fragilisant le système immunitaire des chauves-souris et en les rendant vulnérables aux maladies

1. Épuisement des ressources alimentaires

© Brock Fenton

En une nuit, une chauve-souris peut ingurgiter l’équivalent de son propre poids en insectes. Bien qu’elles aient besoin d’en manger beaucoup pour survivre, les chauves-souris ne sont pas trop pointilleuses. Elles mangent avec plaisir un large éventail d’insectes et changent de proies en fonction des stocks disponibles. Les scientifiques ont par exemple analysé le régime alimentaire des petites chauves-souris brunes et ont découvert qu’il se compose de près de 600 espèces d’insectes distinctes!

Malheureusement, les proies des chauves-souris sont en déclin. Les populations d’insectes ont diminué de façon dramatique dans de nombreuses régions du monde. Et tandis que cette disparition est en partie imputable à l’intensification des pratiques agricoles, le recours aux néonicotinoïdes empire la situation. Lorsque les chauves-souris ne trouvent pas d’insectes, elles arrêtent de chercher de la nourriture et attendent que les conditions s’améliorent. Cette situation est néfaste pour ces petits mammifères, qui doivent manger à leur faim pour conserver leur niveau d’énergie. De plus, leur système d’écholocalisation limite la taille des insectes à leur disposition.

2. Empoisonnement causé par la consommation d’insectes contaminés

Les chauves-souris sont de vraies alliées des agriculteurs, car elles mangent de nombreux parasites agricoles. Elles mangent aussi avec plaisir des insectes aquatiques. Le problème survient lorsque les néonicotinoïdes imprègnent les insectes mêmes dont les chauves-souris se nourrissent.

Les néonicotinoïdes sont très solubles dans l’eau et les larves d’insectes aquatiques sont extrêmement sensibles à ce pesticide mortel, qui a de plus le potentiel de limiter leur croissance, de les handicaper dans leurs déplacements et d’inhiber leur capacité à se nourrir. Les parasites agricoles pulvérisés par des néonicotinoïdes peuvent n’être exposés qu’à une quantité sublétale de pesticide ou la substance peut enduire leurs ailes, poils ou écailles. Quand les chauves-souris mangent ces insectes empoisonnés, elles peuvent alors s’intoxiquer à leur tour. Toute exposition à des néonicotinoïdes peut avoir des conséquences pour ces mammifères, puisque leurs capacités d’écholocalisation et de manœuvres de vol complexes nécessaires à la capture de proies peuvent être affaiblies.

3. Système immunitaire fragilisé

little brown bat

En plus d’apprendre que les néonicotinoïdes peuvent nuire aux chauves-souris peu après la consommation d’insectes contaminés, les chercheurs découvrent qu’elles peuvent accumuler des néonicotinoïdes au fil du temps. Un chercheur a détecté des néonicotinoïdes dans les tissus de deux spécimens prélevés en hiver dans le nord-est des États-Unis.

Ces nouvelles sont très inquiétantes.

Pendant l’hibernation, le système immunitaire des chauves-souris est réduit et elles sont ainsi plus vulnérables aux maladies. Et au cours de la dernière décennie seulement, environ 12 millions de chauves-souris sont mortes au Canada et aux États-Unis en raison du syndrome du museau blanc.

Les chercheurs ont découvert que les insecticides comme les néonicotinoïdes peuvent prédisposer les populations de chauves-souris au syndrome du museau blanc en fragilisant davantage leur système immunitaire.

De plus, il a été démontré que des néonicotinoïdes tels que l’imidaclopride, le thiaméthoxame et le thiaclopride perturbent la torpeur des chauves-souris (diminution de leur température corporelle et ralentissement de leur métabolisme pendant l’hiver) en déstabilisant le fonctionnement de la glande thyroïde ou la sécrétion de prostaglandine. Quand une chauve-souris n’est pas capable d’entrer en torpeur et d’y demeurer sa santé est facilement compromise.

Des recherches additionnelles sont nécessaires

En plus des menaces que nous connaissons depuis longtemps, les néonicotinoïdes représentent un danger supplémentaire pour les chauves-souris. Des recherches additionnelles sont nécessaires pour comprendre les conséquences de cette nouvelle menace sur les chauves-souris et ce qu’il est possible de faire pour la réduire. Nous devons également réexaminer nos méthodes de production alimentaire et intégrer la durabilité environnementale dans les systèmes agricoles.

Les chauves-souris sont d’importantes alliées pour la production alimentaire et les protéger des effets des pratiques agricoles modernes profitera également aux agriculteurs. Pour de plus amples renseignements, consultez l’article Neonicotinoid Insecticides and Bats: An assessment of the direct and indirect risks (Les insecticides néonicotinoïdes et les chauves-souris : une évaluation des risques directs et indirects; en anglais seulement) par Pierre Mineau et Carolyn Callaghan.