Pour commencer

Il est plus facile d’identifier l’espèce de l’animal qui a laissé une piste si on trouve d’abord certains indices. Ces indices ne se trouvent habituellement pas dans les traces elles-mêmes. Seulement une trace sur cent permet de percevoir clairement des détails comme des marques d’orteil ou d’ongles. Les deux indices les plus utiles, et de loin, sont (a) la forme d’ensemble de la piste de l’animal et (b) la largeur générale de la piste laissée par l’animal. Le diagramme de pistes montré ici illustre les deux. Avec ces deux seuls indices et un peu d’entraînement, vous serez capables de distinguer les traces d’espèces similaires, comme la souris et le campagnol.

La forme des pistes

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Image: Chad Clifford

Étant donné que bien des animaux ont quatre pattes et la capacité de changer d’allure, il peut s’avérer compliqué d’identifier leurs pistes. Cela dit, pour éviter de perdre trop d’énergie, concentrons-nous sur les principales démarches habituellement employées par diverses espèces. Il nous sera donc utile de grouper les animaux en fonction de leur démarche « normale ». Tout pisteur devrait mémoriser les quatre types de démarches illustrés dans le diagramme ci-dessus. La grande majorité des traces que vous trouverez entreront dans l’une des catégories suivantes : 1) amble, 2) diagonale, 3) bond et 4) galop. Étudions maintenant de plus près chacune de ces démarches, ainsi que des exemples d’animaux qui les emploient. Pour approfondir notre étude, nous examinerons ensuite les variations dans les traces quand les animaux accélèrent ou ralentissent le pas.

L’amble

Parmi les animaux qui ont cette démarche, on compte ceux à corps large et à mouvements lents comme le castor, le rat musqué, la mouffette, le porc-épic, l’ours et la raton laveur. Ces animaux semblent se dandiner, leur large corps se balançant d’un côté et de l’autre. L’animal bouge ses deux pattes d’un même côté simultanément, après quoi il avance lentement les pattes de l’autre côté. Je vous conseille fortement de vous mettre à quatre pattes et d’essayer d’avancer de cette façon; vous comprendrez mieux !
La piste qui en résulte est un assemblage de traces un peu dispersées qui ne suit pratiquement aucun modèle précis. La plupart des animaux de cette catégorie ont de grands pieds souples et coussinés qui sont plutôt particuliers. Ces pieds souples et coussinés leur permettent de traverser la forêt en silence.

  • TRUC : Les pieds arrière de plusieurs de ces animaux ressemblent aux pieds humains; ils ont une forme allongée, avec un talon long et mince.

La diagonale

Le prochain groupe d’animaux comprend les familles des chevreuils, des chats et des chiens, notamment le chevreuil, l’orignal, le caribou, l’élan, le renard, le loup, le coyote, le lynx, le couguar et le chien. Pour bien remarquer la démarche diagonale, il faut reculer un peu et dessiner une ligne imaginaire au centre des traces, qui la traversent en diagonale. Essayez vous-mêmes de marcher en diagonale en vous remettant à quatre pattes, puis déplacez ensemble votre bras droit et votre jambe gauche, puis votre bras gauche et votre jambe droite. Quand l’animal avance ainsi, son pied droit arrière se dépose sur la trace laissée un instant plus tôt par le pied droit avant, mais légèrement décalé vers l’arrière. Observez attentivement de nouveau le diagramme des pistes.

  • TRUC 1: Les pieds avant des animaux qui marchent en diagonale sont considérablement plus grands que leurs pieds arrière. Vous pouvez maintenant distinguer (et montrer aux autres) les traces des pieds droits et gauches avant et arrière de chevreuil dans votre cour arrière. Vous ferez l’envie de tous vos amis !
  • TRUC 2 :  Pour approfondir son étude, on peut tenir compte du fait que les pieds avant des mâles qui marchent en diagonale se déposent plus loin l’un de l’autre que leurs pieds arrière, alors que c’est l’inverse chez les femelles. C’est une piste de femelle qui est illustrée dans le diagramme des pistes. Cette règle ne s’applique pas toujours aux jeunes et aux vieux animaux, mais leurs pieds sont plus distancés par rapport à leur longueur d’enjambée.
  • TRUC 3 : Les chats et les renards ont tous une démarche en diagonale, mais leur pied arrière se dépose exactement sur la trace du pied avant. De plus, les chats marchent les griffes rentrées, ce pour quoi on ne les voit pas dans la trace.
  • TRUC 4 : Si la forme de la trace est visible, rappelez-vous que le chevreuil et l’orignal laissent des traces en cœur et la famille des chiens, en forme d’œufs, tandis que les familles des renards et des chats laissent des traces rondes.

Les chevreuils ont les sens fins; ils savent habituellement que vous vous approchez longtemps avant que vous les voyiez. Un jour, en plein été, alors que je me promenais en suivant un vieux sentier de brousse, je suis parvenu à une clairière. J’ai soudain ressenti comme une présence ou un regard. J’ai supposé que quelqu’un avait laissé sortir ma chienne de la maison et qu’elle était en train de me rattraper. Elle n’aime pas rater une bonne promenade. J’ai regardé derrière moi, mais je n’ai rien vu. Je suis donc resté immobile un moment avant d’entrer dans la clairière. De tout au fond de celle-ci s’est alors fait entendre le son distinctif d’un chevreuil qui bondit, accompagné par des reniflements d’avertissement comme ils en font quand il y a danger. Je me suis de nouveau tourné vers l’arrière de la clairière, où j’avais senti qu’on m’observait. Ce chevreuil-là aurait été en mesure de me voir d’où il se trouvait, mais à peine. Les chevreuils sont des bêtes très curieuses et ils tournent parfois en cercle autour de leur zone pour trouver la source des perturbations. Il est alors possible, si on s’approche d’un autre point de leur parcours en cercle, de les entrevoir de nouveau un bref instant. Ce que j’ai fait. J’ai tourné à droite, j’ai parcouru 100 mètres dans les buissons et je me suis assis sans faire de bruit. Effectivement, le chevreuil est repassé, mais un peu hors de vue. Je l’entendais passer devant moi. Si je me suis dirigé vers la droite, c’est parce qu’il était plus probable que le chevreuil soit droitier (comme environ 90 pour cent des humains) et qu’il aille de ce côté.

Le bond

La famille de la belette, soit la belette pygmée, l’hermine (ou belette à queue courte), la belette à longue queue, le pékan, le vison et la martre, fait partie des animaux qui avancent par bonds. Ces animaux ont le corps long et les pattes courtes. Recherchez les traces à cinq orteils. Quand on voit l’un de ces animaux se déplacer, l’image que ça évoque est un peu celle d’une aiguille de machine à coudre : leur corps se voûte puis s’allonge dans un mouvement rapide et répété. Les deux pieds avant se posent en premier, suivis des deux pieds arrière qui atterrissent juste derrière les pieds avant. Les traces se recouvrent donc parfois en partie. Remarquez le dessin unique en décalage que les quatre pieds forment ensemble !

  • TRUC 1 : Observez la ligne imaginaire au centre de la piste de l’animal. Remarquez que les traces respectent la ligne centrale et ne la traversent pas en diagonale. Croyez-le ou non, il est possible de confondre les vieilles traces recouvertes de neige d’une petite belette de moins d’un quart de kilo (0,226 kg) avec celles d’un chevreuil de 70 kg. C’est parce que les quatre pieds de la belette laissent ensemble une trace de la même taille environ que celle d’un sabot d’un chevreuil et que la distance entre les traces des deux espèces est parfois égale. De plus, par temps froid et sur certains types de terrains, les pas des chevreuils ne s’enfoncent pas beaucoup, alors que si la neige est encore fraîche, les traces de la belette peuvent être assez profondes. Quand on voit de vieilles traces, on ne peut pas deviner ce qu’étaient les conditions au moment où l’animal les a laissées. Il faut donc plutôt chercher à identifier la démarche (en diagonale ou par bonds). Une belle leçon d’humilité vous attend quand vous confondrez les deux espèces… mais ne le mentionnez surtout pas à vos amis !
  • TRUC 2 : Le pékan peut facilement adopter deux ou trois démarches différentes. C’est par la largeur de la piste qu’on peut déterminer s’il s’agissait d’un pékan avançant par bonds.

Les belettes sont pour moi des bêtes fascinantes à pister. Leur taille varie beaucoup, la belette pygmée étant capable de poursuivre les souris dans leurs trous alors que le pékan est reconnu pour inclure le porc-épic dans son alimentation. Une fois, je suivais la piste d’une belette à longue queue dans la neige fraîche. Les traces de la belette, typiquement, disparaissaient derrière les arbres lorsqu’elle avait flairé l’odeur de rongeurs. Quand je suis arrivé à une zone marécageuse, j’ai constaté que la piste s’était « éclatée » dans la neige. La belette avait accéléré abruptement pour se rendre avec urgence à un endroit quelconque. Les traces, qui ne sont habituellement séparées que de quelques centimètres, se trouvaient à plusieurs mètres l’une de l’autre; tout un exploit pour une chétive petite belette pas vraiment plus grosse qu’un suisse ! J’ai tout de suite su qu’il se passait quelque chose. J’ai bientôt eu réponse à mes questions, quand des plumes bleues et grises se sont mises à voler dans le vent.

Selon mes observations, il semble que la belette à longue queue ait repéré le geai bleu au sol, où il mangeait probablement des graines à ce moment-là. Les rares traces de geai que j’ai trouvées ont été les dernières laissées par l’oiseau. La belette a piqué un sprint d’environ 13,7 mètres pour capturer le geai. Sa mort a sans doute été rapide, car il y avait peu de traces de résistance. La neige avait été piétinée sur une zone d’environ 20 centimètres de diamètre. La plupart des plumes se trouvaient à cet endroit, avec quelques taches de sang et les pattes noires et maigres du geai bleu. Les traces que la belette avait laissées en quittant la zone étaient rapprochées, l’animal ayant probablement l’estomac plein et transportant peut-être quelques restes du geai pour les laisser dans sa cachette. Un peu plus haut sur la colline, j’ai découvert un autre trésor pour un pisteur. Dans le creux d’un arbre, il y avait une sorte de nid en fourrure de lièvre d’Amérique. J’ai par la suite appris grâce à mes recherches qu’il arrive que des belettes à longue queue tuent ces lièvres pour les manger et pour tapisser leur tanière avec la fourrure.

La loutre est un autre animal qu’il est amusant de pister quand on en a l’occasion. On peut presque ressentir sa joie de vivre, car sa piste montre qu’il aime glisser sur le ventre (autant sur terrain plat que dans les pentes), plonger dans les étangs et nager sous la glace des rivières, puis se tirer obstinément dans la neige jusqu’au prochain système d’eau. Si vous avez de la chance, vous trouverez aussi des traces de vison dans ces zones. Les visons se nourrissent d’écrevisses et d’autres espèces aquatiques. Cherchez de petites cavernes ou sous la roche, où ils se cachent parfois pour se reposer et manger leur proie, y laissant ses restes en petits tas.

Le galop

Ce groupe fort intéressant comprend de petites bêtes comme la souris, le campagnol, la musaraigne, le suisse et l’écureuil, ainsi que des animaux un peu plus grands, dont le lapin et le lièvre. Les membres de ce groupe semblent filer à toute vitesse sur le parterre forestier. Leurs pistes démontrent que leurs pieds avant se déposent très près l’un de l’autre, tandis que leurs pieds arrière dépassent par l’extérieur l’endroit où se trouvent les pieds avant. Essayez de marcher ainsi et vous verrez que c’est beaucoup plus rapide que les autres manières. Ce groupe a une caractéristique particulière, soit la grande taille des pieds arrière par rapport à celle des pieds avant. Représentez-vous mentalement les grands pieds arrière du lièvre d’Amérique. N’oubliez pas de tenir compte de la forme d’ensemble de la piste et de la ligne imaginaire au centre des traces. La piste avance en ligne droite, comme pour la démarche par bonds. Ce qui la distingue principalement est la forme laissée par les quatre pieds ensemble. Ce groupe laisse tellement de détails intéressants qu’identifier chaque trace est un plaisir.

L’image : Chad Clifford
  • TRUC 1 : Si les deux pieds avant se déposent au sol presque exactement côte à côte, il s’agit d’une souris et non d’un campagnol de taille similaire. La souris laisse également de longues traces de queue. Observez le diagramme des pistes : la piste du haut montre une traînée de queue. De plus, les pieds avant de l’écureuil ont tendance à se poser l’un à côté de l’autre, ce qui s’avère utile pour monter aux arbres.
  • TRUC 2 : La démarche des campagnols passe du galop à l’amble.
  • TRUC 3 : Les musaraignes, les souris et les campagnols vont d’un trou à l’autre pour assurer leur sécurité et pour se rendre à leurs cachettes de nourriture. La dimension du trou dépend de l’animal : la musaraigne occupe des trous de moins de 2,5 centimètres de diamètre, la souris et le campagnol, des trous de 3,2 centimètres, tandis qu’ils doivent avoir au moins 5 centimètres de diamètre pour l’écureuil roux et le suisse. Ces différences de dimension ne semblent pas très importantes, mais dans la nature, elles sont énormes.

Chose intéressante, la morsure de la musaraigne est venimeuse. J’ai vu des images d’une musaraigne attaquant une souris. Le combat a été bref, la musaraigne se contentant de donner un petit coup de dent à la patte de la souris et de se retirer. La souris a vite perdu la maîtrise de son propre corps. De la taille d’un colibri, plus ou moins, la musaraigne fait le plaisir des pisteurs. Ses traces sont parfois tellement légères dans la neige que si la luminosité n’est pas adéquate, on n’arrive pas à les percevoir même si quelqu’un nous les montre du doigt. La démarche de la musaraigne est le galop, tout comme celle de la souris, du campagnol, du suisse et du lapin.

Partout où l’on voit des traces de petits rongeurs, on peut s’attendre à trouver des empreintes de belette à proximité. À l’occasion, on peut voir des preuves qu’une belette a attrapé un petit rongeur, comme une goutte de sang près d’un trou. La mort frappe aussi souvent sous la neige.

La largeur des pistes

Après avoir examiné la forme de la piste, il nous faut maintenant en mesurer la largeur. Ça nous permettra de raffiner notre identification de l’animal jusqu’au niveau de l’espèce (p. ex., distinguer la musaraigne de la souris, le suisse de l’écureuil gris ou roux et le renard du coyote). La méthode de mesure de la largeur des pistes varie en fonction de la démarche employée par l’animal. Le diagramme des pistes indique la méthode adéquate pour chacune. Un guide du pistage d’animaux contenant des données sur la largeur des pistes serait un bon investissement. Pour vous aider à commencer comme pisteur, voici quelques indications de largeur de piste pour les espèces souvent confondues.

Les animaux qui marchent en diagonale :  Lynx, 7-10 cm.  Renard roux, 10 cm.  Coyote, 12,5 cm.  Chevreuil, 16-20 cm.

Les animaux qui font des bonds :  Belette pygmée, 2,5 cm.  Hermine, 5-6 cm. Belette à longue queue, 7 cm. Vison, 7,5 cm.  Martre, 10 cm. Pékan, 12,5 cm.

NOTE : Les belettes ont tendance à faire preuve de dimorphisme sexuel, c’est-à-dire que les mâles sont souvent pas mal plus gros que les femelles. La largeur des pistes peut donc être trompeuse quand vient le temps de distinguer les espèces, et il est préférable de tenir compte d’autres indices, comme l’habitat préféré et la région où l’on se trouve.

Les animaux qui galopent :      Musaraigne, 2,5 cm.  Souris, 3 cm.  Campagnol, 3,8 cm Suisse, 5 cm.  Écureuil roux, 10 cm.   Écureuil gris ou noir, 12,5 cm.   Lapin, 12,5 cm.  Lièvre, environ 15 cm.

Rappelez-vous que si vous connaissez le type et la largeur d’une piste, vous serez en mesure de déterminer l’espèce de l’animal qui a laissé ces traces. Ces deux indices vous permettront également d’identifier de vieilles traces quand tout ce qu’on peut voir est la forme générale de la piste. Il faudra cependant attendre un peu pour ça, car nous ne faisons encore que commencer !

Outils et conseils pratiques

Image: Chad Clifford

Les empreintes en plâtre.  Cette activité est divertissante pour les jeunes comme pour les adultes. La première chose à faire est de se munir de plâtre de Paris, de stuc, comme celui avec lequel on remplit les trous dans les cloisons sèches. Je verse la poudre de plâtre dans un sec de lait d’un litre. J’apporte un deuxième sac pour y faire le mélange. Cette quantité devrait suffire pour mouler une grande trace ou deux petites. L’étape suivante est de se rendre au bourbier ou à l’étang le plus près et en examiner les bords à la recherche de traces. Lorsqu’on trouve une trace parfaite (ce qui est plus rare qu’on le pense), on l’entoure d’une petite barrière pour empêcher le plâtre de s’écouler. Je cherche habituellement quatre bâtonnets pour encadrer la trace et je remplis les fentes qui restent avec de la boue. Il faut ensuite laisser le plâtre former une base épaisse pour bien remplir la trace, mais pour ce faire, on doit d’abord préparer le plâtre. Je mets un peu de plâtre dans le sac vide et j’y ajoute de l’eau. Une consistance épaisse est préférable, car le plâtre sèche plus vite ainsi. Un mélange trop délayé mettra beaucoup de temps à prendre. Je secoue le sac et le tripote avec les doigts jusqu’à ce que le mélange à l’intérieur soit homogène, puis je verse le plâtre dans la trace et j’attends. La méthode privilégiée pour retirer l’empreinte moulée du sol et éviter qu’elle se casse est de creuser autour avec un bâton pour le soulever du dessous.

La journalisation est une autre bonne façon d’améliorer votre « œil » pour le pistage d’animaux. Évidemment, plusieurs naturalistes consignent des renseignements d’ordre météorologique ou autre dans leur journal. Une activité intéressante à faire dans son journal est de trouver un endroit à l’extérieur où laisser une empreinte dans sol. On reproduit ensuite cette trace au dessin dans le journal. On retourne au même emplacement six heures plus tard pour y faire une nouvelle trace, et on copie de nouveau la première dans son journal. Le lendemain, on laisse une troisième empreinte, mais on ne dessine toujours que la plus ancienne. En continuant ainsi, on peut constater la détérioration des traces avec le temps. Il est de plus utile de répéter cette activité dans différentes conditions de sol.
Vous pouvez également trouver une empreinte d’animal et la dessiner dans ses moindres détails. Lorsque vous croyez avoir reproduit chaque détail, sortez votre loupe pour en trouver d’autres. Si vous consacrez 35 minutes à cette activité, vous serez capable de percevoir autant de détails en 15 minutes la fois suivante. Avec de l’entraînement, vous commencerez à voir les choses du premier coup d’oeil. Ça, c’est du progrès ! Vous allez bientôt atteindre un point où les autres vont croire que vous les faites marcher quand vous leur expliquez la signification des moindres particularités d’une trace qu’ils ont même de la difficulté à voir.

Vous pouvez également trouver une empreinte d’animal et la dessiner dans ses moindres détails. Lorsque vous croyez avoir reproduit chaque détail, sortez votre loupe pour en trouver d’autres. Si vous consacrez 35 minutes à cette activité, vous serez capable de percevoir autant de détails en 15 minutes la fois suivante. Avec de l’entraînement, vous commencerez à voir les choses du premier coup d’oeil. Ça, c’est du progrès ! Vous allez bientôt atteindre un point où les autres vont croire que vous les faites marcher quand vous leur expliquez la signification des moindres particularités d’une trace qu’ils ont même de la difficulté à voir.

Les bacs à sable permettent de découvrir ce qu’une empreinte isolée a à révéler. On peut aussi y étudier les changements de pas ou de démarche qu’entraîne le changement d’allure. Mon bac à sable mesure quatre mètres par un et il a 30 cm de profondeur. Les jouets ne sont pas permis dans ce bac à sable, et je le garde couvert pour éviter qu’il y poussent des plantes. Vous serez étonnés de tout ce qu’on peut apprendre dans un bac à sable en une courte période. Je demande aux gens de traverser le bac en leur faisant constater le mouvement du sable sous leur pas d’amble. Ils recommencent ensuite en accélérant et en ralentissant, puis en intégrant de légers virages. Enfin, je les fais marcher sur le sable avec un poids dans une main pour qu’ils remarquent la différence dans la réaction du sol. À l’occasion, j’ai marché, joggé et couru avec ma chienne dans mon bac de sable pour démontrer l’effet des changements d’allure sur la démarche des animaux qui marchent en diagonale. Ma chienne est heureuse de nous rendre ce petit service, surtout quand elle reçoit une délicieuse petite gâterie après chaque passage. Après un certain temps d’observation dans le bac, je demande aux étudiants de ne pas me regarder pendant que je le traverse. J’efface toutes mes empreintes sauf une, obligeant les étudiants à déterminer ma vitesse et si j’ai accéléré ou fait un virage à partir de cette seule trace. Croyez-le ou non, plusieurs d’entre eux sont capables de dire si j’ai tourné la tête (d’un mouvement exagéré) pendant que j’avançais. Le bac à sable offre bien sûr les conditions parfaites pour ça. J’arrive cependant à tromper mes étudiants en pistage d’animaux quand je marche à reculons dans le bac, mais seulement la première fois. Ils s’aperçoivent que le sable n’a pas été soulevé de la même façon, mais ils n’arrivent pas à comprendre pourquoi.

  • TRUC 1 : Garder un râteau et une pelle à portée de main pour égaliser le sable après chaque passage.
  • TRUC 2 : Porter une attention spéciale à la façon dont la poussière est soulevée et projetée en avant par les pas du marcheur.

Dominance. Pourriez-vous croire qu’il est possible de repérer le côté dominant de certains animaux en un coup d’oeil simplement en étudiant leurs pistes? Les pistes les plus évidentes sont celles des lièvres d’Amérique. Regardez le diagramme sur le modèle des pistes du lièvre. Le lièvre se déplace du bas vers le haut du diagramme. Les pattes plus petites d’en avant se posent en premier et les pattes plus grandes d’en arrière passent autour de celles d’en avant et se posent en avant. Notez maintenant aussi que les deux pattes d’en avant ne sont pas l’une à côté de l’autre, elles sont plutôt décalées avec la patte droite qui se pose en premier. Pourquoi est-ce que la patte droite se pose invariablement en avant? Comment savons-nous qu’elle se pose toujours en premier? La réponse à cette dernière question : nous savons qu’elle se pose en premier parce qu’elle laisse une empreinte sur le sol avant la patte droite d’en avant. C’est-à-dire qu’au fur et à mesure que l’animal avance avec l’effet de traction de la gravité vers le sol, la patte droite d’en avant absorbe le poids initial, suivie de la patte gauche d’en avant qui se pose après la patte droite. Tout comme pour l’autre question de dominance, essayez ceci : levez-vous tout près d’un mur et laissez-vous tomber vers le mur. Notez quel bras porte le plus gros du poids ou se pose en premier contre le mur. Refaites l’exercice à des distances plus éloignées du mur jusqu’à ce que vous découvriez quel bras travaille le plus.

Quelque 90 p. cent des mammifères (y compris les humains) ont la droite comme côté dominant. Dans le cas d’une chute, nous nous fierons probablement à notre membre fort dominant pour nous soutenir. La même chose se produit avec les galopeurs ou autres animaux lorsque leur vitesse ou démarche augmente à un galop. La patte droite d’en avant se pose en premier. Ceci n’arrive pas pour tous les mouvements, mais c’est vrai pour la plupart. À l’occasion, on voit des animaux qui ont une tendance dominante gauche. L’étude de la dominance va beaucoup plus loin que la simple observation des modèles de pistes. La dominance offre des indices sur la raison pour laquelle un animal tourne en rond (à l’extérieur du programme précis qu’il peut avoir). Vous êtes-vous demandé pourquoi des personnes perdues tournent en rond sans but? Savez-vous dans quel sens elles ont tendance à tourner en rond?

Cartes pour tricher. Voici une excellente façon de se souvenir des caractéristiques spécifiques de différents animaux. Je vous recommande de fabriquer ou d’acheter une série de fiches de 3’’ x 5” pour écrire les caractéristiques intéressantes de toutes les espèces animales de votre région. Bien sûr, si vous incluez les insectes et les oiseaux, vous en aurez pour un bon moment. Vous pouvez choisir d’inscrire l’information que vous voulez. Je suggère de consulter rapidement de trois à cinq livres et de noter ce que vous trouvez important dans chacun des livres. Je serais porté à inclure les caractéristiques évidentes : diète, habitat,  région, progéniture, prédateurs, comportements, grosseur et poids, largeur de la piste, mesures de la patte, longueur de la foulée et trace courante ou modèle de démarche utilisé.

Ces cartes peuvent être placées dans la pochette de votre chemise et vous pourrez les sortir lors de vos excursions jusqu’à ce que vous les ayez mémorisées.

Trousse de pistage. Lors de ses excursions, un débutant devrait apporter une trousse raisonnable de pistage. Ce sera une ressource pratique dans le champ pour vous aider à résoudre les nombreux mystères qui vous attendent. Pour le contenu de ces trousses, certaines personnes exagèrent un peu. Les articles de la trousse peuvent être rangés dans un petit étui générique de caméra muni d’une ou de deux pochettes supplémentaires. À l’intérieur de ma trousse, j’avais l’habitude d’apporter mes cartes pour tricher, un petit carnet de notes et un crayon, une loupe, un petit ruban à mesurer, une lampe et poche et un pied à coulisse. Le pied à coulisse est en vérité, une règle sophistiquée de six pouces. Toutefois, ces pieds à coulisse sont capables de mesurer les largeurs des pistes et les mesures des pattes très facilement et rapidement. Vous en trouverez en plastique chez Canadian Tire pour moins de 15 $. La lampe de poche est souvent utilisée pour examiner de près des petits trous dans le sol, les arbres et sous les roches. Une trousse plus large pourrait contenir du plâtre de Paris pour mouler les pistes et des sacs et du ruban adhésif pour collecter des échantillons de brindilles, de poils d’animaux ou autres. Avez-vous déjà entendu parler de colliers de fèces? La trousse spécialisée peut aussi contenir une caméra et des longues-vues.

J’aime voyager légèrement et j’ai abandonné l’idée d’apporter l’équipement susmentionné. Cela dit, je possède aussi déjà plus de 10 000 diapositives de pistes et de signes d’animaux, de traces en plâtre, de petites branches, de brindilles, d’oeufs, de peaux de serpent, de plumes, de coquilles et de carapaces, de crânes, de fèces et encore plus à la maison. Si je trouve une piste unique et intrigante, je retourne simplement à la maison chercher ma caméra, ma loupe ou tout autre objet nécessaire pour la situation.

L’image : Chad Clifford

Pistes mystères. Si une chose est assurée au sujet du pistage, c’est bien la certitude de trouver des traces mystères. C’est l’une des raisons pour lesquelles le pistage est si amusant, rempli de défi et mémorable.

Une de mes pistes mystérieuses préférées est celle de la feuille soufflée par le vent. Je profite souvent de cette piste courante pour l’étudier avec mes élèves. Au fur et à mesure qu’une feuille morte et sèche tourne le long de la neige, elle crée un modèle intéressant, semblable à celui d’une souris. Les traces à peine visibles créent leur propre patron et s’arrêtent ensuite (alors que la feuille est soulevée dans les airs) seulement pour recommencer un mètre plus loin (après que la feuille retombe au sol). Je demande aux élèves d’identifier le modèle, de mesurer la largeur de la trace et d’essayer de comprendre comment elle n’a pas laissé de trace sur une si grande distance. Vous pouvez probablement imaginer les réponses. Occasionnellement, l’élève peut même voir la feuille qui est encore au bout de la piste. À ce jour, je souris lorsqu’en marchant, je remarque ce genre de trace mystère.

Au cours de l’une de mes propres aventures de pistage, j’ai trouvé par hasard, des traces d’oiseaux. Comme pour toutes les traces, ces dernières étaient assez uniques en ce sens que la partie avant de deux des trois orteils sur les deux pattes était près l’une de l’autre, laissant le troisième orteil quelque peu séparé. Comme un bon débutant, j’ai sorti ma trousse de pistage, j’ai fait un dessin de ces pistes et noté quelles sortes de graines l’oiseau mangeait. Un peu plus tard, j’ai appris que les corneilles ont des orteils qui auraient pu avoir laissé ces traces. Mystère résolu! Un peu après cela, j’ai découvert que les geais ont des orteils semblables. Donc, ces pistes demeurent encore un mystère parce que je n’ai pas noté la grosseur des traces, qui aurait rapidement éliminé l’un ou l’autre oiseau.

Vérifiez le diagramme qui illustre les pistes de la taupe. Regardez les statistiques et devinez quelles espèces les a faites. J’ai trouvé ces traces aux chutes Kekabecca dans le Nord de l’Ontario. J’étais excité de voir les traces à cause de leur symétrie et leur étrangeté. Je les ais suivies jusqu’à un trou dans la neige. Tout près, quelques traces suivaient le même modèle. Grâce à mes expériences passées avec les pistes, je savais qu’il ne s’agissait pas d’une souris, d’un campagnol, d’une musaraigne, d’une petite belette, d’un suisse ou d’un écureuil. J’ai pris quelques photos et mesuré la largeur de la piste. J’ai aussi noté les empreintes de pas relativement plus grandes. Elles étaient aussi larges que celles des pattes d’un écureuil roux, mais la largeur et la profondeur des traces dans la neige fraîche suggéraient un animal de poids semblable à celui d’une grosse souris. Le lundi suivant, je me suis rendu au département de biologie de l’Université Lakehead pour en discuter avec mon professeur de mammalogie. Je luis ai montré les photos et fourni les détails lui permettant de me donner quelques idées. Plus tard, j’ai lu que certaines espèces entreposent 60 p. cent de leurs graisses hivernales dans leurs queues. Ah-ah! Une grosse queue épaisse aurait laissé une trace semblable à celle que je me souviens d’avoir vu ce jour-là dans la piste mystérieuse. J’ai donc regardé à nouveau les photos et j’ai rapidement trouvé la réponse aux grandes empreintes de pas qui m’ont fait comprendre pourquoi la piste semblait être en zigzag.

Comme cet animal ne se retrouve pas lui-même très souvent à la surface sert à expliquer pourquoi je n’avais jamais vu ses pistes auparavant et seulement à quelques reprises dans la neige depuis ce moment-là. Parce que cette espèce habite sous la terre, elle a des pattes avant très larges en forme de pagaie utilisées pour creuser des tunnels dans le sol. Ces pattes d’en avant drôlement formées ne lui permettent pas de marcher très efficacement et font que l’animal se tortille en se déplaçant. Au cas où vous ne l’auriez pas encore deviné, cet animal est bien la taupe à nez étoilé. C’est une belle petite créature qui crée de petites collines et des tunnels dans les gazons et le sol. Ces signes sont particulièrement évidents au début du printemps juste après la fonte de la neige. Les tunnels sont partout et il est possible de trouver les petites cavernes caractérisées par des creux à l’intérieur – probablement utilisés par les taupes pour se reposer. Le poil de cet animal est unique en ce sens que la taupe peut se déplacer dans les tunnels en avançant ou en reculant. Autrement dit, lorsque le poil va vers l’arrière, il ne se redresse pas comme celui des autres animaux.

Livres favoris sur le pistage

Si vous décidez d’adopter le pistage comme passe-temps, vous pouvez consulter des livres de pistage le soir pour comprendre ce que vous avez vu pendant la journée. Un jour, tout en faisant de la raquette dans les collines, j’ai fait une découverte bizarre : un nid d’oiseau avec un toit ajouté par-dessus. Le nid lui-même était fait de petites branches et de brindilles, mais le matériau du toit était de la boue et des feuilles. Le nid semblait solide et probablement imperméable. Est-ce qu’un oiseau aurait bâti un tel nid? Je n’avais jamais vu ce genre de nid d’oiseau. J’ai pris quelques photos et j’ai noté quelques traces de souris à la base du petit arbre où était placé le nid. Les traces de souris autour de la base des arbres ne sont pas inhabituelles étant donné que les souris utilisent souvent le trou fait dans la neige à la base d’un petit arbre comme entrée vers les couches souterraines, sous la neige. Lorsque je suis retourné à la maison, j’ai consulté les livres. À ma grande euphorie, j’ai appris qu’à l’occasion, les souris rénovent de vieux nids d’oiseaux en ajoutant un toit pour les utiliser comme tanière. Un autre mystère résolu!

Je présente ci-après une liste de livres qui selon moi, sont les meilleurs à ce jour. Assurez-vous de lire la biographie de l’auteur avant d’acheter un livre. À l’occasion, certains livres génériques fournissent des renseignements erronés.

  • Brown, T. Tom Brown’s field guide to nature observation and tracking, 1983. Une lecture inspirante. Bons trucs de pistage et philosophie au sujet de l’expérience dans la nature.
  • Kura, A. Mammals of the Great Lakes region, 1995. Excellent livre d’information générale au sujet des mammifères, y compris des clés explicatives des crânes, des formules dentaires et d’autres bonnes descriptions. J’ai utilisé ce livre pour mon cours de mammalogie de quatrième année – il est très coûteux et en général, il est nécessaire de le commander. Toutefois, à mon avis, ce livre en vaut le coût pour le pisteur curieux qui veut beaucoup d’informations sur les espèces locales d’une source unique.
  • Stokes, D., et Stokes, L. A guide to animal tracking and behaviour, 1986. Un excellent livre pour les pistes et les signes.
  • Rezendes, P. Tracking and the art of seeing, 1992. Bonnes photos des signes, des fèces et des animaux, ainsi que de représentations hivernales.
  • Murie, O.J. A field guide to animal tracks – the Peterson field guide series, 1954. Le livre classique du pistage. Bonne information sur les pistes et les modèles des animaux.

Autres trucs

  • Pensez à faire du pistage lorsque le soleil baisse et qu’il jette des ombres plus longues. Les dépressions des pistes seront foncées et les marques de foulée seront plus claires.
  • Touchez aux traces avec votre pouce ou votre index ainsi qu’avec vos doigts du milieu. Vous obtiendrez beaucoup plus d’information avec vos doigts que si vous faites simplement regarder la piste. Ainsi, si vous ne pouvez pas voir combien d’orteils la piste contient, vous serez peut-être capable de figurer combien il y en a avec votre main.
  • Si une piste est couverte de neige, creusez tout simplement dans la neige jusqu’à la piste originale et touchez-la. Elle sera ferme de la compression de la neige lorsqu’elle a été tracée. La neige pourra en réalité être comme un morceau de glace — préservant la piste originale.

En terminant, lorsque vous commencerez à faire du pistage, vous découvrirez rapidement que c’est un tout nouveau monde comportant plusieurs énigmes et scénarios qui n’attendent qu’à être révélés. Permettez-vous d’avoir raison; c’est-à-dire, fiez-vous à votre flair ou à votre intuition. Si vous faites des conjectures sur tout ce que vous trouvez, vous vous découragerez et vous vous sentirez accablé. Votre point de départ : partez des petites parcelles de preuve que vous voyez et mêlez-les à l’image plus grande et aux connaissances que vous avez. Les chances seront que vous aurez raison la plupart du temps.

Auteur : Chad Clifford