En novembre, les feuilles ont changé de couleur et la plupart des oiseaux migrateurs ont déjà pris le chemin du sud.

Pourtant, même si l’air se rafraîchit, le monde naturel continue de bourdonner en ligne! Des milliers de personnes partout au Canada sortent leur téléphone ou leur appareil photo pour consigner des plantes et des animaux au moyen d’iNaturalist, une plateforme mondiale de science participative.

C’est une question de connexion

Le Grand bioblitz canadien de la Fédération canadienne de la faune, tenu chaque automne, démontre tout ce qui est possible en exploitant le puissance d’iNaturalist. Cette année, en une seule semaine, les participants ont consigné plus de 97 000 observations, couvrant plus de 7 000 espèces, grâce au travail de plus de 2 500 identificateurs et 1 944 observateurs. Ces chiffres ne sont pas que des statistiques : ils représentent des fragments du vaste casse-tête qu’est la biodiversité.

Et quelles sont les espèces qu’observent le plus souvent les utilisateurs d’iNaturalist Canada, que ce soit sur le terrain ou dans leur cour? Du côté animal, les champions sont bien connus : le canard colvert, la bernache du Canada, le merle d’Amérique, le monarque et la mésange à tête noire. Côté végétal, les plantes les plus observées sont l’achillée millefeuille, le cornouiller stolonifère, l’asclépiade commune, le quatre-temps et l’épilobe à feuilles étroites. Et parmi nos champignons les plus populaires, on retrouve la tramète versicolore, le polypore de Mounce, l’amanite tue-mouches et le polypore écailleux.

À première vue, ces trouvailles peuvent sembler banales — une bernache du Canada, vraiment? Et pourtant, voilà toute la beauté du projet. iNaturalist n’est pas réservé aux espèces rares ou menacées. Il est question de connexion. Chaque observation d’un colvert dans un étang urbain ou d’une mésange venant picorer à une mangeoire en hiver est un moment où quelqu’un s’est arrêté pour remarquer et se connecter à la nature. Et ce geste simple contribue aussi à une base de données scientifique qui permet de suivre l’évolution des populations, la chronologie des migrations et même les effets des changements climatiques.

Et parfois, des choses extraordinaires se produisent : la découverte de nouvelles espèces, par exemple. En 2020, une superbe nouvelle espèce de papillon a été découverte en Équateur par un utilisateur d’iNaturalist! Plus près de nous, plus de 900 espèces au Canada n’ont été observées qu’une seule fois sur iNaturalist — et nulle part ailleurs dans le monde. (Grâce à la communauté iNaturalist, 65 d’entre elles comptent désormais au moins deux observations!) Ces moments sont de véritables étincelles de joie écologique — les découvertes inattendues qui poussent scientifiques et naturalistes amateurs à continuer d’observer.

Certaines espèces échappent à notre regard dans les recoins isolés des forêts ou des milieux humides. D’autres se fondent si bien dans le quotidien qu’on oublie de les voir. iNaturalist change la donne en mobilisant des milliers d’yeux curieux.

Une vaste équipe de recherche collective

© backwoodsmama.com

Imaginez : vous tombez sur une fleur sauvage comme la monotrope uniflore, petite mais fascinante, ou vous apercevez un sizerin flammé en migration automnale. Chaque photo, chaque téléchargement devient une contribution à une immense équipe de recherche sur la biodiversité. La question n’est pas tant « Pouvons-nous retrouver des espèces disparues? » que « Qu’allons-nous remarquer aujourd’hui? »

Des plantes comme l’asclépiade commune et l’épilobe ne sont pas seulement fréquentes : ce sont des espèces clés. L’asclépiade, par exemple, est essentielle à la survie des chenilles du monarque, qui ne peuvent vivre sans elle. En consignant où elle se trouve (ou encore où elle disparaît), les observateurs contribuent directement aux efforts de conservation d’un des papillons migrateurs les plus emblématiques et les plus menacés du pays.

L’épilobe, quant à elle, avec ses fleurs d’un magenta éclatant, repousse souvent après les feux de forêt, symbole vivant de régénération et d’espoir. Chaque observation vient enrichir une photothèque vivante de la résilience.

L’optimisme alimenté par des données

Dans un monde où la perte de biodiversité fait souvent les manchettes, l’énergie contagieuse d’iNaturalist offre une autre perspective : un optimisme alimenté par des données. Quand des milliers de personnes observent, photographient et partagent, nous commençons à voir des tendances que nous aurions autrement manquées. Ces tendances peuvent révéler la redécouverte d’une plante « disparue » dans un parc urbain ou indiquer qu’un animal déplace son aire de répartition en raison du réchauffement planétaire.

Vous n’avez pas besoin d’être un expert pour participer. Que vous poursuiviez des papillons dans un pré, photographiiez des baies de cornouiller en lisière de forêt ou admiriez le saut espiègle d’un merle dans votre cour, vous contribuez à quelque chose de bien plus grand.

Alors, peut-on retrouver des espèces manquantes? Avec la curiosité collective de centaines de milliers de personnes partout Canada — et les cinq oiseaux, cinq plantes et cinq champignons familiers qui montrent la voie — la réponse est un « peut-être » retentissant. Et ce peut-être suffit à nous inciter à continuer d’observer, de photographier et de partager. Après tout, qui sait? La prochaine grande histoire « d’objets perdus » pourrait bien commencer avec vous et votre téléphone intelligent.