Beaucoup de lacs, ruisseaux et rivières du Canada font partie d’anciennes voies de migration empruntées par les espèces aquatiques depuis des milliers d’années.

À différents stades de leur vie, le saumon, l’esturgeon, l’anguille d’Amérique et de nombreuses autres espèces ont évolué pour utiliser différentes parties de ces systèmes pour l’éclosion, la maturation et la reproduction. Au fil du temps, la construction de ponceaux routiers, de barrages et d’autres structures a créé des obstacles empêchant les poissons de nager dans ces anciens cours d’eau. Dans de nombreux endroits, les poissons ne peuvent plus passer d’un habitat important à un autre. Cette perte de passage a été un facteur majeur dans le déclin et la disparition de nombreuses espèces.

La Fédération canadienne de la faune suit et cartographie activement les obstacles aquatiques grâce à la Base de données sur les obstacles aquatiques du Canada (BDOAC). Ce que nous avons appris jusqu’à présent est accablant pour la santé des étendues d’eau du Canada. Par exemple, alors qu’il y a plus de 30 000 barrages au Canada, seuls 250 sont actuellement connus pour avoir des passes migratoires qui assurent le passage en amont des espèces aquatiques. Alors que certaines rivières et certains ruisseaux coulent librement sur des kilomètres, d’autres ont tellement d’obstacles qu’ils sont tout simplement inaccessibles à de nombreuses espèces.

La bonne nouvelle, c’est que bon nombre de ces obstacles aquatiques peuvent être réparés ou mis hors service. D’autres mesures peuvent aussi être prises pour assurer un passage sûr autour d’eux. Les États-Unis relèvent ce défi de manière directe par le financement et la mise en œuvre de programmes ayant permis de supprimer 800 barrages au cours des 10 dernières années. De même, dans l’Union européenne, en 2022, 325 barrières fluviales ont été supprimées, dont plusieurs barrages hydroélectriques. Plus près de nous, en Colombie-Britannique, la FCF travaille avec de multiples partenaires pour restaurer des centaines de kilomètres de passages à poissons dans toute la province. Au cours des cinq dernières années, ce travail a rétabli l’accès à plus de 3,3 millions de mètres carrés d’habitats (328 hectares) dans 25 sites à l’échelle de la Colombie-Britannique.

À l’échelle nationale, cependant, le Canada a pris du retard. Le manque de financement et de coordination à l’échelle fédérale dans ce domaine signifie que les espèces d’eau douce de notre pays sont encore plus menacées.

POURQUOI EST-CE IMPORTANT?

De nombreuses espèces sont menacées ou en déclin à cause des obstacles aquatiques

Les obstacles situés le long des voies de migration aquatique ont entraîné la disparition et le déclin de nombreuses espèces de poissons. Ces pertes peuvent être dévastatrices pour les communautés autochtones. Elles affectent également les secteurs du tourisme et de la pêche au Canada, et ancrent davantage notre pays dans la crise mondiale de la biodiversité. De nombreuses autres espèces sauvages, comme les aigles, les orques et les ours, dépendent de la santé des populations de poissons pour survivre. Voici quelques exemples d’espèces affectées par les obstacles aquatiques :

L’esturgeon jaune dans les Grands Lacs

Les ancêtres de l’esturgeon jaune moderne ont partagé cette planète avec les dinosaures et ont survécu à de nombreux changements sur Terre. Cependant, même si l’esturgeon jaune vit depuis des millions d’années dans les eaux froides et douces de l’Amérique du Nord, il s’agit aujourd’hui d’une espèce en péril au Canada. Dans la région des Grands Lacs, les obstacles aquatiques tels que les barrages interrompent les migrations en amont qu’effectuent les poissons pour se reproduire. La construction de ces obstacles a également modifié le débit et la température des cours d’eau. Bien que des efforts soient faits pour améliorer la qualité de l’eau et réglementer la pêche afin d’aider les populations d’esturgeons jaunes à se reconstituer, les obstacles aquatiques qui soutiennent les usines de pâte à papier et les barrages hydroélectriques continuent de représenter une menace majeure pour leur rétablissement.

 

Le saumon du Pacifique

À l’instar du caribou arctique et du papillon monarque, le saumon du Pacifique fait partie des grands migrateurs de la planète. Son voyage commence par une nage jusqu’à la surface de l’eau pour prendre une bouffée d’air frais afin de remplir sa vessie natatoire après l’éclosion. Lorsqu’il atteint la maturité, il parcourt parfois des centaines, voire des milliers de kilomètres, de son habitat d’eau douce à l’océan, et inversement, pour se reproduire. Il existe des dizaines de milliers d’obstacles aquatiques dans les cours d’eau où vivent les saumons en Colombie-Britannique. De nombreuses populations étant déjà menacées, la récupération de tous les habitats possibles est essentielle à leur survie.

Saumon de l’Atlantique du lac Ontario

Lorsque les glaciers se sont retirés à la fin de la dernière période glaciaire, le saumon de l’Atlantique a colonisé le lac Ontario à partir de l’océan et est devenu la plus grande population entièrement d’eau douce au monde. Les premiers explorateurs des années 1600 ont écrit que les criques, les rivières et les ruisseaux reliés au lac regorgeaient de saumons. Au fil du temps, le développement, l’expansion agricole, l’évolution des industries et la surpêche ont entraîné la disparition de cette population unique du lac Ontario. Les barrages hydroélectriques et les obstacles aquatiques associés aux usines de pâte à papier ont largement contribué à ce déclin et continuent d’être le principal obstacle aux efforts de rétablissement de l’espèce.

Nous POUVONS inverser certains dommages

De nombreux obstacles aquatiques ne remplissent plus la fonction pour laquelle ils ont été conçus à l’origine. Certains sont tombés en ruine, tandis que d’autres, comme certains barrages, atteignent la fin de leur vie opérationnelle. De nombreux pays investissent dans des programmes de cartographie, d’élimination et de réparation des obstacles, rétablissant ainsi le passage de millions de poissons et contribuant à la reconstitution des populations diminuées ou disparues. Aux États-Unis et dans les pays européens, des progrès considérables sont réalisés pour reconnecter les habitats aquatiques :

Les populations de harengs migrateurs reviennent à des millions dans le Maine, aux États-Unis

Le Maine compte 581 barrages actifs, dont 39 % sont utilisés pour la production d’énergie hydroélectrique. Ceux-ci constituent des obstacles importants au passage des poissons et, avec d’autres facteurs, ont entraîné un déclin important des populations de poissons. En réponse, le projet de restauration de la rivière Penobscot a été entrepris pour rétablir le passage des poissons sur la rivière Penobscot et certains de ses affluents. Deux grands barrages ont été supprimés dans le cadre du projet, un ascenseur à poissons a été installé sur un troisième barrage et une passe à poissons a été construite autour d’un quatrième barrage. Après la suppression du premier barrage en 2014, le nombre de harengs migrateurs est passé de quelques centaines à plus de 180 000 l’année suivante. En 2018, les chiffres ont atteint 2,3 millions.

Les pays européens supprimeront un nombre record de barrages en 2022

En 2022, les pays européens ont démoli un nombre record d’obstacles aquatiques et ouvert des centaines de kilomètres de passage à poissons. La Norvège a fait sauter le barrage hydroélectrique de la rivière Tromsa, vieux de 106 ans, et l’a remplacé par un système de passe à poissons plus naturel, reliant l’habitat de l’ombre commun, de la lotte, du chabot de Sibérie, du vairon d’Eurasie et de la truite brune. En France, le barrage hydroélectrique de la Roche-qui-boit a été démoli, après la suppression du barrage de Vezins en 2020. Ainsi, la Sélune, en Normandie, est redevenue un cours libre pour le saumon de l’Atlantique, la lamproie marine et l’anguille européenne. Enfin, en Ukraine, malgré la guerre en cours, le barrage de Bayurivka, vieux de 120 ans, a été supprimé, ouvrant 27 kilomètres sur la rivière Perkalaba et permettant à des espèces de poissons en voie de disparition, comme le saumon du Danube ukrainien et la lamproie de rivière ukrainienne, d’atteindre leurs frayères ancestrales. L’Ukraine se rapproche ainsi de son objectif de restaurer 3 000 km de rivières à écoulement libre d’ici à 2030. En 2023, des obstacles ont été supprimés dans 15 pays de l’UE, et la suppression de 166 d’entre eux a permis à elle seule de reconnecter plus de 4 300 km de cours d’eau.

C’est une occasion de réconciliation

Les peuples autochtones se nourrissent de poissons depuis des millénaires et entretiennent des liens culturels étroits avec de nombreuses espèces aquatiques. Soutenir les efforts déployés par les organisations autochtones pour reconstituer les populations de poissons est une étape importante de la réconciliation. De nombreuses nations autochtones ont déjà ouvert la voie. Les tribus confédérées de la réserve indienne de Colville et de l’Okanagan Nation Alliance, par exemple, travaillent depuis 20 ans à la restauration du saumon rouge dans le bassin de l’Okanagan. Leurs efforts pour rétablir le passage des poissons ont permis des remontées record de saumons, le nombre de saumons rouges recensés étant passé de moins de 100 000 au début des années 2000 à plus de 650 000 en 2022. Le succès de ces travaux a ouvert la voie à un programme parallèle dans la partie supérieure du fleuve Columbia. Pendant ce temps, la Nation du lac Babine s’efforce de garantir un passage libre et dégagé vers l’un des nombreux cours d’eau qui sont essentiels à la migration des saumons au début de la saison. Après avoir rétabli le passage des poissons sur le ruisseau Cross en 2021, le nombre de saumons dénombrés en amont de l’ancien obstacle a grimpé, passant de 127 à 917.

Découvrez comment vous pouvez faire entendre votre voix! Consultez la pétition de la Fédération canadienne de la faune intitulée STOP à la perte d’habitats maintenant >