Dans la nature, la taille corporelle joue un rôle important à divers stades de la vie, comme la croissance et la reproduction, et peut avoir un impact sur le rétablissement des espèces.
Une taille inférieure à la taille potentielle (taille asymptotique) peut indiquer qu’un animal est en mauvaise santé, présente un retard de maturité sexuelle, nécessite davantage de temps de récupération entre les naissances, et peut même avoir une incidence sur la taille de sa progéniture. Les animaux, et les jeunes en particulier, consacrent à leur croissance l’énergie acquise en s’alimentant. Mais lorsqu’ils sont exposés à des environnements stressants, par exemple en raison de modifications de leur habitat ou des activités humaines, il peut y avoir des conséquences négatives pour leur croissance.
De tels impacts ont été constatés dans le cadre d’une étude de recherche récente qui a révélé que les baleines noires de l’Atlantique Nord en âge de se reproduire qui sont trop petites ont moins de chances de mener une grossesse à terme.
En 2020, une étude a fait appel à des images filmées par des drones pour comparer la taille des baleines noires de l’Atlantique Nord à celle de leurs cousines, les baleines noires de l’Atlantique Sud en Australie, en Argentine et en Nouvelle-Zélande. Les chercheurs ont ainsi constaté que les populations de baleines noires de l’Atlantique Nord, tant juvéniles qu’adultes, étaient en moyenne plus petites que celles de l’Atlantique Sud.
Les baleines noires de l’Atlantique Nord sont maintenant de taille plus petite, principalement en raison du changement climatique
La différence de taille constatée entre les populations de l’Atlantique Nord et celles de l’Atlantique Sud a été attribuée à l’exposition aux activités humaines et particulièrement au changement climatique. La source de nourriture principale des baleines noires de l’Atlantique Nord, une espèce de copépode appelée Calanus, s’est en effet déplacée vers le nord au cours des dix dernières années en raison du changement climatique. Les baleines noires de l’Atlantique Nord ont ainsi été poussées à suivre leurs proies jusqu’aux aires estivales du golfe du Saint-Laurent, où elles doivent transiter à travers des zones de pêche intensive et certaines des voies de circulation maritime les plus fréquentées au monde.
Non seulement les baleines noires de l’Atlantique Nord ne grandissent plus autant, mais cette étude récente a également révélé que les baleines de plus petite taille ont plus de risques de ne pas réussir à mettre bas. Une baleine noire de l’Atlantique Nord de 11 mètres a par exemple 14 % de chances de réussir à mettre bas au cours d’une année de reproduction, contre 56 % de chances pour une femelle de 14 mètres. Les baleines noires ont généralement un cycle de reproduction de trois ans : soit un an de gestation, un an pour allaiter le baleineau et un pour récupérer. Or, en raison de tous les impacts causés les activités humaines, les femelles nécessitent maintenant de davantage de temps pour acquérir l’énergie de soutenir un cycle de reproduction complet.
Depuis 2015, les baleines noires de l’Atlantique Nord nécessitent au moins sept années entre chaque naissance. Nous ne savons toujours pas à quel moment du processus de reproduction la grossesse de ces baleines échoue, mais les scientifiques pensent qu’il existe un lien entre leur taille corporelle et le déclin à long terme des naissances annuelles de baleineaux.
Pour une espèce gravement menacée de disparition, chaque baleineau est essentiel à la survie des effectifs. On estime qu’il y a actuellement 70 femelles reproductrices parmi la population de 356 baleines noires de l’Atlantique Nord. En 2024, nous avons observé à ce jour 19 nouveaux baleineaux, soit le nombre le plus élevé signalé depuis 2013!
En plus des efforts de conservation et des mesures de gestion visant la réduction de la mortalité des baleines noires de l’Atlantique Nord (par la réduction des enchevêtrements et des collisions avec les navires), il faut s’efforcer de rétablir la bonne santé de ces dernières. Le plan d’action du Canada pour le rétablissement des baleines noires de l’Atlantique Nord prévoit une tendance à la hausse de la population sur trois générations, soit pendant environ 60 ans. Si nous souhaitons que cette population se rétablisse, les mesures de gestion ne doivent pas se contenter de se concentrer sur la réduction de la mortalité, mais également viser à protéger et à améliorer la croissance et la santé des femelles.