Angela Rehhorn est une participante du groupe 5 du Corps de conservation canadien.
Assise sur mon surf, le regard tourné vers le Japon sous un ciel aux diverses teintes orangées tandis que le soleil commence à se coucher, j’ai l’impression de vivre une scène de film.
Bien que j’en aie toujours rêvé, je n’ai jamais vraiment cru que je le vivrais un jour. Je suis ébahie par cet endroit et par la beauté qui y règne.
En plus de surfer, de faire des randonnées et d’admirer les couchers de soleil, j’ai appris énormément dans le cadre de mon stage pratique du Corps de conservation canadien dans la réserve de parc national Pacific Rim.
Voici quelques faits saillants des deux premiers mois.
Études sur les plantes en voie de disparition
Nous avons poursuivi l’étude sur l’abronie rose et avons compté les 1 690 plantes présentes sur la plage de Schooner. L’étude sur la fécondité a exigé plus de temps que prévu, car les plantes étaient plus nombreuses que nous le croyions. En effet, à plusieurs endroits, elles étaient regroupées en massif. Comme le GPS portatif ne pouvait pas distinguer leurs emplacements, nous avons utilisé un GPS cinématique en temps réel (RTK) pour cartographier chaque plante avec plus d’exactitude.
Voici ce que nous avons fait :
- D’abord, nous avons mis à niveau la base de l’instrument sur un emplacement connu d’armature.
- Ensuite, nous avons transporté le récepteur mobile – essentiellement une très grande perche surmontée d’un instrument qui communique avec la base – vers un autre point de cheminement connu afin de déterminer dans quelle mesure l’emplacement était enregistré avec exactitude. Notre seuil était de deux centimètres.
- Puis, nous avons approché le récepteur de chacune des plantes préalablement identifiées, entré le code de la plante et enregistré l’emplacement une fois le récepteur mis à niveau.
- Enfin, ces données ont été téléversées dans les ordinateurs pour que nous puissions les utiliser en vue de cartographier les plantes dans le logiciel ArcGIS.
Comme ce n’est pas mon champ d’expertise, cette expérience s’est avérée une précieuse occasion d’apprentissage. J’ai téléversé les cartes de base, ajouté des ensembles de données, corrigé les données aberrantes, joint des tableaux de données et manipulé les données et les cartes afin de présenter un portrait utile. En cartographiant les plantes de Schooner, nous avons été en mesure de comparer l’emplacement des plantes en fonction de leur nombre et de leur reproduction, ce qui pourrait nous permettre de déterminer leurs préférences relatives à l’habitat et leurs caractéristiques.
Par exemple, bien que la dune en soi comptait probablement le plus grand nombre de plantes, celles sur la plage se seraient reproduites davantage. Ainsi, nous pouvons examiner les possibilités et en apprendre plus sur la plante en vue de mieux la conserver.
Les résultats de l’étude de Schooner en poche, nous sommes partis à la recherche d’abronies roses sur la plage de Wickaninnish, où les dunes sont bien plus grandes. Le paysage est si vaste que je m’y suis sentie toute petite. Malgré les températures plus fraîches, nos journées consistaient à marcher le long de la plage, à observer les surfeurs, à admirer les vagues et à suivre des pistes de loups.
Analyse de la zostère marine
Notre autre projet principal dans le parc avait pour but d’analyser des vidéos de zostère marine filmées au moyen d’une caméra sous-marine remorquée. Il s’agissait d’une initiative jumelée entre la réserve de parc national Pacific Rim et le Hakai Institute.
Les vidéos provenaient du parc, des îles Gulf et de Gwaii Haanas. Nous cherchions principalement à connaître la présence et la densité de la zostère marine sur une échelle de un à quatre. Nous enregistrions également le substrat afin de savoir s’il était végétalisé, de connaître le type et la densité des algues (rares ou denses), et de déterminer si des cicatrices étaient présentes sur la zostère marine, ce qui serait un indicateur de maladie débilitante. Ces informations ont été transmises au Hakai Institute, où elles sont analysées et utilisées afin d’établir des cartes précises de l’emplacement et de la densité des lits de zostère marine.
Il est important de surveiller et de préserver l’écosystème de la zostère marine pour diverses raisons. Il s’agit de l’habitat et de la source de nutriments principale de nombreuses espèces larvaires et en stade précoce d’existence. Ce projet nous a donné l’occasion d’apprendre et de nous exercer à identifier les espèces d’algues et d’autres formes de vie marine, comme les poisons, les étoiles de mer, les crabes et les pennatules. C’était également une bonne raison de rester à l’intérieur lorsque la tristement célèbre pluie de la côte ouest s’est manifestée.
Des visiteurs en sécurité
Un autre aspect intéressant auquel j’ai été exposée est le détournement des sources de nourriture. Il arrive souvent qu’un animal mort s’échoue sur la page ou est retrouvé près d’un endroit ou d’un sentier fréquenté. Bien que ce soit un élément naturel de tout écosystème, cela représente toujours une préoccupation en ce qui concerne la sécurité des visiteurs du parc national.
En effet, ces carcasses attirent des prédateurs comme les loups, les ours et les couguars. Il est bien entendu important qu’ils aient accès à cette source de nourriture naturelle. Cependant, afin d’assurer la sécurité des visiteurs et de prévenir les interactions avec la faune, les carcasses sont parfois déplacées vers des endroits plus discrets et moins empruntés.
Détournement de phoques et de requins
Un phoque commun mort ayant été aperçu sur la plage de Wickaninnish, nous nous y sommes dirigés pour constater la situation et possiblement sortir la carcasse de la plage. Lorsque nous nous sommes approchés de l’animal, il nous est apparu évident que les loups nous avaient devancés. Les nombreuses empreintes nous ont permis de constater qu’ils avaient traîné la carcasse du milieu vers le haut de la plage, ce qui nous a facilité la tâche. Nous avons mesuré le phoque, puis, à l’aide d’une corde, nous l’avons déplacé vers les buissons situés de l’autre côté des dunes de sable afin d’éviter que les loups n’aillent trop près des êtres humains. Le parc doit limiter les interactions entre les personnes et la faune afin de conserver le caractère sauvage de la faune. Si les animaux deviennent trop habitués à la présence humaine, ils pourraient s’y accoutumer, c’est-à-dire perdre leur crainte naturelle, ce qui mettrait en danger à la fois les humains et la faune.
Un autre cas intéressant de détournement de source de nourriture s’est produit lorsqu’un loup a été aperçu en train de tirer un requin (encore vivant) hors de l’eau près de la plage de Schooner. En raison de l’achalandage des visiteurs à proximité, le requin a été déplacé dans un endroit où les loups pourraient tout de même le trouver et s’en nourrir s’ils le souhaitaient. Il a fallu transporter le requin assez loin du lieu initial. Dans ce type de situation, il est important de laisser une piste olfactive que les animaux peuvent suivre.
Collaboration avec l’équipe CORE consacrée aux loups
Nous avons également eu la chance de nous joindre à l’équipe CORE consacrée aux loups en déployant des caméras de chasse afin de suivre l’activité des loups. Nous nous sommes d’abord dirigés vers la plage de Wick. Rapidement, nous avons commencé à voir et à suivre des empreintes laissées par des loups. Il nous a été possible de suivre leur piste jusqu’à l’endroit où nous devions placer la caméra. Certaines traces étaient très fraîches, remontant semble-t-il à moins d’une heure. J’ai été avertie que même s’il est amusant de suivre des pistes, il arrive parfois qu’on tombe sur les loups.
C’était aussi l’occasion parfaite d’apprendre quelques trucs et astuces pour distinguer les traces de loup de celles des chiens. Étant donné l’achalandage sur les plages du parc, il est parfois difficile de savoir si une empreinte appartient à un gros chien ou à un loup. Arlene et Sarah, qui travaillent au parc, ont expliqué que les loups ont des empreintes plus symétriques et qu’ils marchent généralement selon un axe plus droit et plus défini que les chiens. Leurs deux doigts du milieu sont généralement très près l’un de l’autre, tandis que les deux doigts extérieurs sont symétriques. L’empreinte du chien, quant à elle, est moins compacte et présente une courbe semblable à celle formée par nos propres mains – comme une distribution binomiale.
De plus, les chiens ont tendance à suivre une piste plus irrégulière puisqu’ils n’ont pas les mêmes objectifs que les loups lorsqu’ils marchent. Après avoir effectué l’entretien des caméras (commutateurs, cartes SD, paramètres appropriés, enregistrement des emplacements et des angles), nous avons continué à suivre les traces de loups dans l’autre direction, qui se rendaient très près du stationnement.
J’ai trouvé intéressant de voir à quel point la piste d’une meute était rectiligne sur les dunes de sable. Comme des empreintes définies s’y dirigeaient et s’en éloignaient, c’était un bon endroit pour y placer la caméra de chasse. L’écosystème des dunes doit être protégé puisque celles-ci sont fréquemment empruntées par divers animaux, comme les loups, les ours, les chevreuils, etc.
Écosystèmes dynamiques
Dans le cadre de mon expérience, j’ai aussi pu observer une plateforme en bois de charpente nouvellement exposée qui était probablement utilisée par l’armée pendant la Seconde Guerre mondiale. Wickaninnish est tapissée d’écriteaux qui avertissent les visiteurs que la plage a déjà servi de base d’entraînement militaire et qu’il existe une possibilité d’y trouver des explosifs. La région a été soigneusement passée au détecteur de métal et on a retiré et fait détoner toutes les charges repérées. C’est un autre bon exemple qui démontre à quel point les dunes de sable sont des écosystèmes dynamiques qui se déplacent constamment. Le vent et les vagues poussent le sable vers de nouveaux endroits, ce qui a permis d’exposer une plateforme qui n’était pas visible auparavant.
Devant la splendeur de la côte ouest
Mon deuxième mois passé à Ucluelet s’est avéré tout aussi riche en événements que le premier. Nous avons trouvé du temps pour rendre visite à deux autres membres du CCC sur le lieu de leur stage pratique, le site historique national de Fort Rodd Hill à Victoria, et j’ai pu prendre des nouvelles d’une tante que je n’avais pas vue depuis plusieurs années et d’une bonne amie de Dalhousie. C’est bien vrai que le monde est petit. Comme les autres membres du CCC ont eux aussi eu l’occasion de venir nous voir à Ucluelet, nous les avons emmenés à un feu sur la plage, les avons invités à faire du surf et leur avons fait visiter l’endroit. Ma vie me semble irréelle tandis que je me prélasse devant la splendeur de la côte ouest. J’attends avec impatience de voir ce que me réserve le dernier mois de mon stage. Pour l’instant, je me prépare à retourner sur la plage. À vos surfs!
Apprenez-en plus sur le Corps de conservation canadien de la Fédération canadienne de la faune.
Les opinions exprimées sont celles des participants et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de la Fédération canadienne de la faune.