Il est malheureusement possible qu’une espèce sauvage soit éradiquée du Canada.

Certaines disparaissent, c’est-à-dire qu’elles cessent d’exister sur la planète. D’autres disparaissent du Canada, mais peuvent être retrouvées ailleurs dans leur habitat sauvage.  Même si certains individus se retrouvent dans des zoos ou des aquariums, ces espèces sont quand même considérées comme étant disparues ou disparues du pays en vertu de la Loi sur les espèces en péril du Canada.

Dans certains rares cas, une espèce disparue du Canada peut être réintroduite dans la nature. Il s’agit d’un processus difficile et de longue durée qui exige que de nombreuses conditions soient remplies : l’espèce doit se trouver en captivité ou dans son milieu naturel ailleurs dans le monde, les menaces principales à l’espèce ne doivent plus exister (par exemple, la chasse, la pollution, la maladie) et il doit exister encore suffisamment d’habitats convenables à l’espèce. Mais même si toutes ces conditions sont réunies, la tâche demeure difficile. La réintroduction peut facilement échouer en raison de tous les facteurs inconnus liés à une espèce. Le processus peut parfois aussi entraîner des problèmes impossibles à prévoir.

En dépit de ces difficultés, certains efforts de réintroduction d’espèces ont connu du succès. Regardons de plus près l’exemple de la loutre de mer.

La loutre de mer

Peu de gens sont au courant que cette adorable créature avait disparu de la côte de la Colombie-Britannique. Les Européens arrivés dans les années 1740 ont chassé la loutre de mer jusqu’à extinction au Canada au début des années 1900. Avant sa disparition, l’animal se nourrissait principalement d’oursins, ce qui contribuait au contrôle de la population de cette espèce. Sans la loutre comme prédateur, les oursins ont pu manger des quantités croissantes d’algues, nuisant ainsi à la santé de la forêt d’algues.

Des lois ont ainsi été établies en 1911 interdisant la chasse à la loutre de mer. De 1969 à 1972, l’espèce a été réintroduite au moyen d’individus provenant de l’Alaska et de la Californie. Depuis, l’espèce a repeuplé 25 à 33 % de son aire de répartition historique au Canada.

Bien que la loutre de mer se porte bien, l’espèce n’est pas encore hors de danger et exige une surveillance constante. La population n’est toujours pas ce qu’elle a été. Elle est passée de quelques centaines de milliers d’individus à moins de 3 500 individus. La loutre de mer est encore considérée comme une espèce en péril au Canada, en partie à cause de sa vulnérabilité aux déversements d’hydrocarbures. Mais les chercheurs continuent à travailler fort à veiller à la santé de la loutre de mer – et de la forêt d’algues – au Canada.

Le putois d’Amérique

Certains efforts de réintroduction, y compris ceux qui concernent le putois d’Amérique, n’ont pas encore atteint les résultats voulus. Le putois d’Amérique fait partie de la famille des mustélidés – dont font aussi partie le vison, la loutre et le carcajou – qui vivent dans les courtes herbes de prairies, comme celles qu’on retrouve au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta. Bien que l’on connaisse peu de choses au sujet de sa biologie, on sait que le putois d’Amérique se nourrit principalement de chiens-de-prairie à queue noire, dont les aires de répartition sont quasi-identiques aux siennes.

Malheureusement, on ne trouve plus le putois d’Amérique dans les prairies canadiennes, et le chien-de-prairie à queue noire est sur le point de subir le même sort. Le putois d’Amérique, qui n’avait pas été observé dans la nature depuis 1937, a été présumé disparu du Canada en 1974. Une des raisons qui explique ce phénomène est le déclin des populations de chiens de prairie. Cet animal, maintenant considéré comme une espèce en péril, a été la cible de fermiers, car ses terriers rendaient difficile la transformation de prairies sauvages en terres agricoles. C’est ainsi que le putois d’Amérique perdit sa principale proie.

Afin d’aider le chien de prairie, le putois et d’autres espèces de prairies, le parc national du Canada des Prairies a été créé. Les premières réintroductions d’espèces y ont eu lieu en 2009. Trente-quatre putois en captivité, y compris certains individus du zoo de Toronto, y ont été libérés. Initialement, près de 90 % des putois réintroduis ont péri dans les deux semaines de leur libération en raison de leur manque de compétences de survie dans la nature. Depuis, les putois ont subi un « camp d’entraînement » pour leur apprendre à chasser, trouver des abris et fuir les prédateurs.

Grâce à ce camp d’entraînement et aux vaccins administrés aux putois, ils ont maintenant 10 fois plus de chance de survivre à l’état sauvage. Or, l’espèce n’a pas pour autant fait un grand retour. Il y a eu des signes de réussite pendant une période, mais les chercheurs n’ont trouvé aucun survivant récemment et ont donc décidé d’arrêter temporairement la réintroduction de cette espèce jusqu’à ce qu’on puisse trouver des habitats et une source de proies convenables.

Le jeu en vaut-il la chandelle?

La loutre de mer et le putois d’Amérique ne sont que deux exemples qui démontrent la complexité du processus de réintroduction et la nécessité pour les scientifiques d’avoir des connaissances approfondies sur une espèce pour que cette réintroduction puisse fonctionner.

Est-ce que le jeu en vaut la chandelle? Si l’espèce a été bien étudiée et que les menaces ont disparu, la réponse est sans aucun doute « oui ». Tous les Canadiens qui ont pu voir (moi y comprise) des loutres de mer jouer dans l’océan Pacifique pourront en témoigner.