Comment le changement climatique pousse les ours polaires à se déplacer de plus en plus vers l’intérieur des terres
Que feriez-vous si vous tombiez nez à nez avec un ours polaire sur le pas de votre porte? Il existe d’innombrables histoires d’ours polaires qui se promènent en ville en faisant comme chez eux. Et cela pourrait être mignon, s’ils n’étaient pas si dangereux!
À Churchill (« capitale mondiale de l’ours polaire »), au Manitoba, on ne sait jamais quand un ours polaire pourrait rôder au coin de la rue. Située à plus de 445 kilomètres au nord de Winnipeg, cette ville du nord du Canada dispose d’un programme « Alerte aux ours polaires » qui vise à assurer la sécurité des résidents et de la faune. Des pièges à fosse appâtés avec de la viande de phoque sont prêts à entrer en action et les portes des maisons et des voitures restent déverrouillées pour que les résidents puissent s’y réfugier en cas de rencontre avec un ours. D’autres lieux sont malheureusement moins bien organisés…
Au printemps dernier, en Gaspésie (Québec), un ours polaire a été abattu après s’être aventuré en ville. À Arviat, au Nunavut, un ours polaire a tué un homme qui protégeait ses enfants dans un lieu de pêche et de chasse populaire. Pendant ce temps, en Alaska, le petit village de Kaktovik est devenu la « capitale de l’ours polaire des États-Unis ». Les habitants de la région ont commencé à remarquer, au milieu des années 1990, la présence d’ours sur le rivage plutôt que sur la banquise, chassant leur proie préférée : le phoque annelé. Au cours des 10 dernières années, de plus en plus de touristes sont ainsi venus visiter ce village.
En Russie, c’est la même histoire. En février, l’état d’urgence a été déclaré après l’entrée de dizaines d’ours polaires dans plusieurs villes et villages de la région arctique. Sur la petite île de Kolyuchin, dans la mer des Tchouktches, une station météorologique arctique abandonnée est devenue le domicile inattendu de nombreux ours polaires, montrant comment la faune est poussée à s’adapter dans un monde modifié par les humains, en constante évolution.
Mais pourquoi ces situations se produisent-elles de plus en plus souvent?
Il n’y a qu’une explication : le changement climatique. Les ours polaires dépendent de l’environnement marin pour leur existence et chassent sur la banquise tout l’hiver, jusqu’à ce qu’elle commence à fondre. Mais aujourd’hui, la banquise rétrécit à un rythme alarmant de près de 13 % par décennie! Alors que la glace continue de fondre plus tôt au printemps et de geler plus tard en automne et en hiver, les ours polaires qui arrivent sur le rivage ont moins de réserves de graisse et doivent survivre sur terre plus longtemps. C’est un double coup dur! À Churchill, par exemple, les chercheurs estiment que les ours passent environ un mois de moins sur la glace que les générations précédentes des années 1980.
Comme ils ne peuvent plus chasser sur la glace, les ours sont plus maigres et affamés, et cherchent d’autres sources de nourriture. Si vous mouriez de faim, vous éloigneriez-vous d’un buffet à volonté (c’est-à-dire, dans le cas des ours polaires, des tas d’ordures)? Probablement pas.
Les ours polaires sont-ils les seuls à être touchés par le changement climatique?
Si les ours polaires sont sans doute l’emblème du changement climatique, ils ne sont absolument pas les seuls concernés. Les conditions météorologiques imprévisibles ont poussé de nombreux peuples autochtones à chercher de la nourriture ailleurs étant donné que la banquise n’est plus fiable. Par exemple, à Rigolet, une communauté côtière éloignée de Terre-Neuve-et-Labrador, la chasse a été remplacée par le magasinage. De plus en plus d’Inuits dépendent maintenant d’aliments transformés coûteux en raison des problèmes de sécurité liés à la diminution de la banquise. Ce scénario reflète ce qui se passe dans de nombreuses communautés éloignées du nord du Canada qui dépendent de la banquise depuis des générations.
Si les ours polaires peuvent nous apprendre quelque chose, c’est bien que le monde change, et qu’il change rapidement. Un avenir extrêmement incertain nous attend. Si la tendance se maintient, dans 40 à 50 ans, il n’y aura plus beaucoup d’ours. Pouvez-vous imaginer un monde sans ours polaires?