Comment empêcher les enchevêtrements?
L’industrie de la pêche peut donner l’impression de ne pas avoir beaucoup évolué au fil des ans. Les pêcheurs sortent en mer avec leurs bateaux, installent leurs casiers ou leurs filets et les ramènent pleins de poissons ou de crustacés. Mais le fait est que les pratiques de pêche ont beaucoup changé : les bateaux sont plus gros, l’effort de pêche est plus important et la résistance des cordes utilisées pour tirer les engins de pêche est beaucoup plus élevée.
Ces cordes plus solides sont particulièrement préoccupantes pour la faune marine qui réside dans les zones où se déroulent ces activités de pêche. Les animaux ne sont pas conscients des dangers liés aux lignes de pêche parmi lesquelles ils nagent. On estime qu’à l’échelle mondiale plus de 300 000 baleines, dauphins et marsouins meurent chaque année en raison de leur enchevêtrement dans des débris marins et des engins de pêche commerciale – un nombre en augmentation en raison du fait que les cordes utilisées pour ces derniers sont de plus en plus solides. Ces cordes s’enchevêtrent autour de la bouche des mammifères marins ou en travers de celle-ci, ou encore autour de leurs nageoires ou de leur queue. Tandis que certains animaux arrivent à se libérer, d’autres peuvent se trouver ancrés au fond de la mer par des engins pesants et se noyer, tandis que d’autres encore peuvent connaître une mort lente et douloureuse. Les baleines qui traînent du matériel ont souvent du mal à nager et à se nourrir. Elles peuvent mourir de faim, tandis que les cordes coupent leurs tissus, provoquant de terribles blessures et maladies.
Les baleines noires de l’Atlantique Nord sont particulièrement touchées par les enchevêtrements. Près de 85 % des moins de 340 individus que compte leur population se sont trouvés enchevêtrés au moins une fois dans leur vie, et plus de la moitié de tous les décès connus ont été causés par des enchevêtrements. Le problème est si grave que de nombreuses baleines sont considérées comme étant des baleines mortes-vivantes, à savoir des baleines qui nagent encore, mais qui sont si gravement blessées que leurs jours sont comptés.
L’une de ces baleines était un mâle âgé de 12 ans surnommé Cottontail. Cottontail a été aperçu pour la première fois gravement enchevêtré en octobre 2020 : il traînait derrière lui des dizaines de mètres de cordes qui s’étaient enroulées autour de sa bouche et en travers de celle-ci. Pendant les quatre mois qui ont suivi, il a parcouru des milliers de kilomètres, affamé, jusqu’à ce qu’il succombe à son enchevêtrement et soit retrouvé mort en février 2021. Cottontail n’est qu’un exemple parmi une longue liste de baleines noires ainsi condamnées à mort : à l’heure actuelle, 16 autres baleines ont été aperçues enchevêtrées, dont 14 dans une situation grave.
L’une des solutions consiste à les désenchevêtrer, en faisant appel à des équipes hautement qualifiées pour retirer les engins des baleines. Malheureusement, bien que le désenchevêtrement soit un outil précieux, la plupart des tentatives se soldent par un échec. En raison de la nature dangereuse de ce travail, qui consiste à approcher un gros animal en grande détresse, les tentatives de sauvetage ne peuvent se faire que par beau temps. La position des baleines peut parfois être perdue de vue avant qu’une équipe puisse être présente sur l’eau. Une fois l’équipe auprès de la baleine, la configuration de l’engin est souvent trop complexe pour qu’il puisse être entièrement retiré. Dans le cas de Cottontail, les démêleurs ont pu retirer environ 30 mètres de cordes, mais l’enchevêtrement était trop complexe et l’intervention n’a pas suffi à lui sauver la vie.
Alors, que peut-on faire d’autre?
La meilleure façon d’éliminer la menace liée aux enchevêtrements est de retirer les cordes des eaux où les baleines se nourrissent et socialisent. La Fédération canadienne de la faune, en partenariat avec des pêcheurs commerciaux, met à l’essai des technologies innovantes qui permettent de pêcher sans laisser de cordes dans l’eau. Par l’utilisation « d’engins de pêche à la demande », où les lignes de bouées sont maintenues sur le plancher océanique jusqu’à ce que les pêcheurs récupèrent leurs prises, la menace est éliminée de l’environnement des baleines et les pêcheurs peuvent conserver leur gagne-pain. C’est une solution gagnant-gagnant!
Par Elizabeth Vézina and Alexandra Cole