La première et unique fois que j’ai vu une baleine noire de l’Atlantique Nord, une espèce en péril, c’était en 2016 au large de la côte de Digby, en Nouvelle-Écosse.
J’avais réservé un tour avec Brier Island Whale and Seabird Cruises (BIWSC). C’était un après-midi ensoleillé d’août et la mer était calme : des conditions parfaites pour l’observation de baleines.
Juste avant mon départ, un membre du personnel (j’ai appris plus tard qu’il s’agissait de Shelley Lonergan, naturaliste en chef et dirigeante de BIWSC) venait de recevoir un appel concernant la présence d’une baleine noire au large de la côte de Digby. Toutefois, il ne s’agissait pas de n’importe quelle baleine noire.
Celle-ci était enchevêtrée dans des câbles de pêche.
Puisque mes billets étaient pour le prochain départ, j’avais espoir de voir la baleine. Je me remémorai tout ce que je savais sur les baleines noires qui me permettrait de l’identifier : un souffle en forme de V, des plaques blanches de peau épaisse sur la tête et l’absence de nageoire dorsale. Avant même de m’en rendre compte, mon appareil photo était prêt et j’étais assise dans le canot pneumatique avec le Capitaine Guy, tandis que nous naviguions sur la mer calme.
Après que Capitaine Guy eut jasé pendant 40 minutes avec d’autres observateurs de baleines par radio, nous eûmes la confirmation qu’elle avait été aperçue dans la direction vers laquelle nous nous dirigions. Quelques minutes plus tard, Capitaine Guy ralentit le canot et coupa le moteur.
Nous vîmes et entendîmes un bruyant souffle en forme de V une centaine de mètres plus loin. Puis, une baleine noire avec des callosités blanches sur la tête remonta à la surface. Il n’y avait pas de nageoire sur son dos. C’était celle que j’attendais.
La baleine frôla la surface, puis remonta pour prendre l’air juste à côté de nous. De nombreux câbles de pêche étaient enroulés autour de son rostre tandis qu’elle nageait et respirait tranquillement. Mon exaltation fut rapidement remplacée par un sentiment inévitable de désespoir et de tristesse pour la baleine. Je ne pus m’empêcher de prendre quelques photos et de filmer la scène afin de conserver ce souvenir à la fois heureux et éprouvant.
Une fois revenue sur la terre ferme, je montrai mes photos à Shelley qui me suggéra de les envoyer à un chercheur spécialiste des baleines qui pourrait les utiliser dans le but d’identifier la baleine et d’en apprendre plus sur la menace que pose l’empêtrement.
En janvier 2017, j’ai communiqué avec BIWSC pour obtenir des nouvelles de la baleine enchevêtrée. Shelley m’a expliqué que les chercheurs du New England Aquarium avaient identifié la baleine comme étant le numéro 2608, un mâle âgé de 20 ans, et ce, grâce à mes photos qui font maintenant partie d’une base de données publique sur les baleines noires.
Ils supposent que la baleine est toujours vivante. Son statut demeure toutefois en partie inconnu puisqu’elle n’a pas été revue depuis ce jour. Cela signifie que, dans le meilleur des cas, la baleine est parvenue à se défaire des câbles. Malheureusement, il est possible qu’elle ait eu de la difficulté à se nourrir, ce qui aurait entraîné une perte d’énergie et une infection, puis qu’elle soit finalement morte noyée.
Une histoire trop fréquente
Malheureusement, l’histoire du numéro 2608 n’a rien d’exceptionnel pour les baleines noires de l’Atlantique Nord. Au contraire, le sort de plusieurs d’entre elles est souvent pire. On sait que 83 % de la population s’est retrouvé empêtrés au moins une fois. Au cours des dernières années, l’empêtrement est devenu la cause de décès la plus fréquente. Depuis 2017, les baleines noires de l’Atlantique Nord ont été victimes de nombreux incidents de mortalité inhabituelle alors que leur population actuelle, qui s’élève à 366, est menacée.
Mais nous n’avons pas perdu espoir. En tant que scientifique amatrice auprès de la Fédération Canadienne de la Faune, je tente de déterminer les zones marines et les mois qui présentent le plus de risques pour les baleines noires de l’Atlantique Nord en fonction des activités de pêche et des engins utilisés dans certaines pêcheries de homard de l’Atlantique. Les collisions avec des navires représentent une autre menace majeure pour la population menacée de baleines noires de l’Atlantique Nord. Les chercheurs étudient et suggèrent également des mesures pour réduire la menace de collision avec des navires dont sont victimes les baleines noires.
Bien que le gouvernement canadien ait des plans pour atténuer la menace que pose les engins de pêche dans les années à venir, il reste beaucoup de travail à faire pour aider la population de baleines noires de l’Atlantique Nord à se rétablir véritablement. Nous demandons également au gouvernement canadien de rendre les voies navigables plus sécuritaires en réduisant le taux de baleines décédées par suite d’une collision avec un navire.
Signez la pétition pour le Plan d’action marin 2020 et manifestez votre soutien à la protection des baleines noires de l’Atlantique Nord et d’autres vies marines en péril.