Quinze petits coups de pouce
Ça fait déjà quelques années que je travaille à la Fédération canadienne de la faune. Je connais bien notre programme de conservation des tortues d’eau douce et j’ai souvent vu nos incubateurs et nos tortues naissantes au bureau. Notre équipe de conservation invite d’ailleurs le personnel à aller relâcher des bébés tortues avec elle chaque année et en 2019, j’y étais allée.
Pendant l’été 2022, j’ai cependant eu la chance de vivre quelque chose de bien spécial – avec 15 petits bébés tortues mouchetées de mon quartier!
J’habite à Constance Bay, qui est une péninsule sur la rivière des Outaouais et qui fait partie de la ville d’Ottawa. Le soir du 13 juin, mon chum, qui était allé faire de la bicyclette, est arrivé à la maison en disant : « Je pense qu’il y a une tortue en train de pondre des œufs sur le bord du chemin! »
C’est sûr que je voulais aller voir! Donc nous sommes allés en auto et en effet, il y avait une maman tortue mouchetée en train de pondre dans l’accotement d’un chemin pas loin de chez nous.
Selon les instructions de mon collègue David Seburn, spécialiste des tortues d’eau douce de la FCF, je devais placer un panneau assez grand par-dessus le nid et y mettre une pierre (ou quelque chose de lourd) pour empêcher les prédateurs (comme les renards, mouffettes et ratons laveurs) de déterrer les œufs et de les manger. Je suis retournée deux fois dans la soirée avec mon panneau et ma brique, mais la maman tortue était toujours là! Comme je devais aller me coucher, j’ai eu très peur que le nid soit ravagé pendant la nuit. Fort heureusement, il était intact le lendemain matin et j’ai pu finalement placer mon panneau avec la brique pour le protéger.
L’équipe est venue le surlendemain pour déterrer les œufs afin de les mettre en incubateur au bureau. Il y en avait 16! Comme les tortues mouchetées sont en voie de disparition, et comme les bébés auraient eu un périple dangereux le long de cette route pour se rendre à la baie quelque 620 mètres plus loin (en ligne droite), nous étions très heureux d’améliorer leurs chances de survie.
Et là, mon chum et moi avons attendu patiemment que « nos » bébés sortent de leurs œufs!
C’est le lundi 8 août qu’une technicienne a remarqué qu’un des œufs commençait à craquer. Le lendemain, David est venu à mon cubicule et m’a demandé si j’avais quelques minutes. Je l’ai suivi dans la salle où sont les incubateurs et il m’a tendu le contenant de plastique dans lequel ils avaient placé nos œufs : il y avait quatre petites tortues qui se promenaient! Il y avait aussi quelques petites têtes qui sortaient d’autres œufs. C’était VRAIMENT cool! J’ai tout de suite appelé mon chum sur FaceTime pour lui montrer nos bébés, puis j’ai appelé ma sœur, puis ma mère!
Quinze de nos seize œufs ont éclos en fin de compte et après avoir été nettoyés, mesurés et pesés par l’équipe, les bébés étaient prêts à être relâchés le vendredi matin (le 12 août). Je suis allée rencontrer David à mi-chemin entre le bureau et Constance Bay et il m’a donné le contenant avec mes 15 petites tortues.
Nous avions d’ailleurs de la visite à ce moment-là : deux cousines de mon chum avec leurs conjoints et leurs enfants. Nous nous sommes donc tous rendus sur le bord d’une baie grâce à un accès public qui donne sur son bout marécageux. Il faut bien évidemment relâcher les bébés tortues dans l’eau la plus proche de leur nid et David nous avait recommandé de les relâcher dans un endroit où il y a beaucoup de végétation, afin qu’ils puissent s’y réfugier.
Nous avons alors, chacun notre tour, relâché une petite tortue dans l’eau! Il faisait très beau et c’était merveilleux de les voir explorer ce nouvel environnement.
J’avoue que je croyais qu’elles allaient toutes partir au loin à la nage, mais non! Elles sont plutôt restées très près du rivage et se sont enterrées dans la boue! Seule leur petite tête dépassait! Il n’était d’ailleurs pas facile de le retrouver dès qu’on les quittait des yeux. J’imagine que c’était leur instinct de se camoufler immédiatement, pour ne pas être vues des prédateurs.
J’ai eu l’honneur de relâcher la dernière; c’était vraiment un moment fantastique pour tout le monde. C’est un peu difficile de savoir qu’on ne peut rien faire de plus pour elles maintenant, mais on sait que le nid a survécu à cause de nous, et qu’on leur a évité le long trajet du nid à l’eau. Ça déchire le cœur de penser à ces minuscules tortues sortant de leur nid de gravier et marchant des centaines de mètres pour trouver de l’eau, devant traverser des forêts et des chemins où il y a des autos, des piétons, des bicyclettes, des planches à roulettes, des chevaux, des chiens, des chats et des animaux sauvages. On espère qu’au moins, quelques-uns de nos bébés survivront assez longtemps dans la nature pour pouvoir se reproduire.
J’espère évidemment que je verrai d’autres tortues mouchetées près de chez nous. Je me dis aussi qu’à la mi-août chaque année, je devrais aller marcher plus souvent pour voir si je peux trouver des bébés de n’importe quelle espèce de tortues qui sortent de leur nid et qui essaient de se rendre à l’eau; je pourrais leur donner un coup de main et les emmener directement dans la baie. C’est sûr qu’il faut être au bon endroit au bon moment mais peut-être que comme cette année, je pourrai en aider quelques-unes de plus!
Pour plus de renseignements sur notre programme de conservation des tortues d’eau douce, visitez notre site Web au Aidonslestortues.ca. Si vous n’habitez pas dans le coin d’Ottawa et que vous trouvez un nid de tortue, vous pouvez construire une cage pour le protéger des prédateurs. Vous pouvez également ajouter toutes vos observations de tortues à notre projet « Aidons les tortues » sur iNaturalist.ca; chaque observation compte!
2 comments
Quelle belle histoire !Beau dévouement de la part de Martin, Annie et toute l’équipe de la défération canadienne de la faune .C’est grâce à des efforts comme les vôtres qu’on pourra encore voir de superbes tortues dans votre région
Bravo Annie pour ton implication dans la nature