L’énergie éolienne et la menace pour les chauves-souris
Nous sommes nombreux à connaître les ravages causés par le syndrome du museau blanc aux chauves-souris cavernicoles du Canada. Mais saviez-vous que certaines de nos chauves-souris migrent également et sont confrontées à une menace très différente? En effet, tout comme les oiseaux migrateurs (et les personnes qui aiment le soleil), certaines espèces de chauves-souris migrent vers le sud pour l’hiver, jusqu’en Floride et au centre du Mexique! Il s’agit d’un phénomène assez unique pour les chauves-souris, puisque moins d’un pour cent de toutes les espèces de chauves-souris sont connues pour migrer sur de longues distances. Or, nous avons trois de ces espèces au Canada : la chauve-souris rousse, la chauve-souris cendrée et la chauve-souris argentée. Ces trois espèces sont confrontées à la même menace : les éoliennes.
Quel est le problème avec les éoliennes?
En 2008, Arnett et al. ont constaté que près de la moitié (40 %) des chauves-souris mortes dans des éoliennes étaient des chauves-souris cendrées. En fait, ils ont trouvé que la majorité des chauves-souris tuées de cette façon faisait partie d’une des trois espèces migratrices. Et la situation s’est vraisemblablement empirée, car de nombreux autres parcs éoliens ont été érigés depuis. Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada a donc récemment évalué la situation des chauves-souris au Canada et a déterminé que ces trois espèces étaient en voie de disparition.
Nous avons entendu dire que les éoliennes représentaient une menace pour les oiseaux, mais une étude réalisée en 2017 par Oiseaux Canada à la demande d’Environnement et Changement climatique Canada a révélé que le taux de mortalité chez les chauves-souris était plus élevé que chez les oiseaux (sauf dans les provinces de l’Atlantique). La moyenne des mortalités allait de 0,16 chauve-souris par éolienne dans les provinces de l’Atlantique à 17,5 chauves-souris en Ontario! Étant donné qu’il y a 6 698 éoliennes au Canada, 1 071 chauves-souris pourraient être tuées dans les provinces de l’Atlantique chaque année et jusqu’à 117 215 en Ontario.
Pourquoi les chauves-souris sont- elles touchées aussi sévèrement?
Les chauves-souris ne peuvent-elles pas voir les turbines ou utiliser l’écholocalisation pour éviter les lames? Étonnamment, ce ne sont pas nécessairement les lames qui tuent les chauves-souris. C’est souvent le changement de pression causé par la turbine qui provoque l’éclatement des vaisseaux sanguins dans leurs poumons. Cet effet est plus prononcé à haute altitude. Il n’est donc pas étonnant que les plus hautes et plus grandes éoliennes semblent tuer davantage de chauves-souris. Quant aux oiseaux, leurs poumons et leurs vaisseaux sanguins sont plus robustes et peuvent résister au changement de pression.
Les conditions météorologiques sont également un facteur, car il y a moins de décès de chauves-souris pendant les tempêtes. C’est logique, car les chauves-souris ne se promènent pas autant par mauvais temps. Mais il y a un désavantage : les mortalités semblent culminer quelques jours après la tempête, alors que les chauves-souris se remettent de nouveau en quête de nourriture après avoir manqué une nuit de chasse à cause des intempéries. Mais le taux de mortalité semble également être plus élevé lorsque la vitesse du vent est faible, ce qui est un peu étrange, car on pourrait penser que plus le vent est rapide, plus les lames tournent rapidement et plus il y a de risques de collision ou de différences de pression. Cela pourrait s’expliquer par le fait que la plupart des insectes (qui constituent la seule source de nourriture des chauves-souris canadiennes) ne volent pas lorsque les vents sont forts, et que les chauves-souris sont donc moins souvent à la recherche de nourriture.
La période de l’année et l’endroit sont aussi des facteurs importants. La fin de l’été et le début de l’automne semblent être la période où il y a le plus haut taux de décès, ce qui coïncide avec le début de la période de migration automnale. Il est aussi logique que les éoliennes situées sur les voies de migration et de vol des chauves-souris soient les plus problématiques.
Que devons-nous faire?
Les exploitants d’éoliennes sont conscients du problème et du conflit que ça pose par rapport à la notion d’énergie verte. Aussi sont-ils nombreux à financer des recherches clés qui ont permis de faire la lumière sur ce problème.
Une première étape essentielle consiste à s’assurer que les parcs éoliens sont situés dans des zones appropriées, en dehors des voies de migration des chauves-souris et des oiseaux. Le problème est qu’il est extrêmement difficile d’étudier les itinéraires des chauves-souris migratrices.
Les installations pourraient se concentrer sur des turbines plus petites et plus courtes afin de réduire la différence de pression qui est à l’origine de la plupart des décès de chauves-souris.
La production d’énergie éolienne pourrait être interrompue lorsque les vents sont faibles, car il semble que les chauves-souris soient plus souvent tuées dans ce type de conditions météorologiques. Les faibles vents font moins bouger les turbines de toute façon, de sorte que la perte de production d’énergie serait minime. Une étude a démontré que si les turbines avaient été arrêtées sur un site aux États-Unis pendant les nuits de faible vent et uniquement pendant la période de migration, 82 à 85 % des décès de chauves-souris auraient pu être évités. Il ne faut pas oublier que les installations peuvent toujours fonctionner pendant la journée, lorsque les chauves-souris ne se déplacent pas.
Et lorsque les conditions sont favorables pour la chasse des chauves-souris, plusieurs études ont montré que la réduction de la vitesse des lames peut considérablement réduire la mortalité.
Alors que l’humain est encore une fois la plus grande menace pour les chauves-souris, nous détenons également la solution pour les préserver, tout en assurant la transition vers une économie fondée sur les énergies renouvelables.