Un nouveau rapport de l’Université de Winnipeg trace un itinéraire vers un avenir où les vagues de chaleur seront de plus en plus fréquentes. Cet itinéraire est pavé d’émissions de carbone.

Les cartes parlent. Les cartes modernes décrivent les réalités d’aujourd’hui. Les plus anciennes racontent comment les gens voyaient le monde à leur époque. En d’autres mots, les cartes tracent l’évolution de la pensée humaine.

Cette histoire a commencé il y a des milliers d’années. Dans l’Iliade d’Homère, le poète décrit le bouclier porté par le valeureux guerrier Achille. C’est l’une des premières tentatives de décrire la planète en entier sur une carte. Forgé par le dieu forgeron Héphaïstos, le bouclier représente toutes les manifestations de la vie — villes, champs, récoltes, bétail, populations humaines — encerclées par Oceanos, une divinité représentant la mer. En traversant la mer, la limite du monde des vivants, on atteint le monde ténébreux de la mort.

À l’époque médiévale, plusieurs représentations, comme la carte du monde de Psalter, de 10 cm (ca. 1260), montrait Jérusalem au centre et Jésus à l’est (qui se trouve au sommet du tableau) en position de juge. Les cartes ne représentaient pas seulement la forme du monde, mais aussi les valeurs et les idées ayant cours chez les fidèles.

Avance rapide jusqu’à aujourd’hui

Avec l’aide des satellites, nos cartes nous fournissent des détails presque inimaginables sur la structure de notre planète et les formes de vie qui la peuplent. Nous avons relevé l’architecture du plancher des océans, les courants, la dimension des déserts et de la banquise, les merveilles des plus hauts sommets. Nous sommes même capables de rappeler les fantômes de continents disparus depuis des centaines de millions d’années et de retracer leurs mouvements au fil des ères géologiques. Les cartes que nous produisons révèlent combien nous sommes fascinés de connaître l’évolution de notre propre planète.

Elles révèlent aussi notre avidité de connaître instantanément notre contexte pour nous y déplacer. Quelques manipulations sur notre téléphone et nous savons combien de pas nous séparent de la prochaine pizzeria ou de l’arrêt d’autobus. En tout temps, nous pouvons voir où nous nous trouvons et comment nous rendre ailleurs.

Alors, considérez les implications de l’Atlas climatique du Canada, sous forme interactive sur Internet, d’abord publié l’an dernier puis mis à jour en juillet de cette année. Il combine des cartes avec des modèles climatiques pour produire un récit détaillé de comment la surcharge de carbone dans notre atmosphère affecte la vie quotidienne dans notre pays — et comment les choses pourraient continuer à évoluer si nous persistons à accumuler du carbone comme nous le faisons maintenant. Le modèle est interactif et avec une capacité de prospective. Alors, je vous invite à jouer avec lui, à modifier certaines variables pour obtenir un aperçu de ce qui attend le Canada dans les années à venir.

Au mois d’août, le Centre sur le climat des Prairies de l’Université de Winnipeg a publié un rapport complémentaire à l’Atlas, sur une facette unique du climat : les vagues de chaleur, qu’on définit comme trois jours consécutifs avec une température dépassant les 30 °C.

Ce rapport, intitulé Les vagues de chaleur et la santé, trace un portrait global dévastateur. Les vagues de chaleur deviendront « plus longues, plus chaudes et plus fréquentes ». Étonnamment, même Yellowknife y passera, comme Victoria et Vancouver. Un peu partout au Canada, les chaleurs extrêmes pourront s’étirer sur plusieurs semaines.

Mais, comme toujours avec les cartes, ce sont les détails qui frappent le plus. Pour la période de 2051 à 2080, on prévoit pour ma ville natale de Regina 23 jours par année à plus de 34 °C, alors que la moyenne aujourd’hui est de seulement trois jours.

Halifax, le joyau tempéré du Canada atlantique, connaîtra une douzaine de jours par année à plus de 30 °C, comparativement à une seule journée maintenant.

Et alors que les vagues de chaleur constitueront un arrêt de mort pour des espèces fauniques et même des écosystèmes entiers, elles seront aussi horribles pour les humains.

À l’été 2018, Montréal a connu des chaleurs tellement extrêmes que 66 personnes en sont mortes, principalement des personnes âgées vivant seules. Et les choses ne pourront aller qu’en empirant, à mesure que la charge de carbone dans l’atmosphère augmentera, dit le rapport.

La chaleur extrême stresse le coeur et les poumons. La sécheresse qui accompagne la chaleur peut augmenter l’incidence de maladies apportées par l’eau et dégrader la qualité de l’eau potable. Les feux de broussailles déclenchés par la chaleur peuvent polluer l’air.

En termes simples, la façon dont nous surchauffons la planète est une menace à la santé humaine. Et ces cartes permettent de chiffrer et de visualiser le calendrier du déroulement de ces mauvaises nouvelles.

Pour moi, c’est un signe des temps effroyable. Les cartes anciennes essayaient de décrire le monde selon ce que les gens en comprenaient, à la lumière d’une philosophie qui décrivait une vie souhaitable ou désirable.

Aujourd’hui, nous n’essayons plus de décrire la réalité physique de notre planète. Nous produisons plutôt des cartes qui nous expliquent avec force détails dans quelle mesure nos propres actions nous mettent en danger. Et c’est là que ces millénaires d’évolution humaine nous ont menés.

Je ne peux m’empêcher de m’étonner de ce qu’en auraient fait Homère ou les cartographes médiévaux.

Tiré du magazine Biosphère. Pour découvrir le magazine, cliquez ici. Pour vous abonner à la version imprimée ou numérique ou bien acheter le dernier numéro, cliquez ici.