Des habitants âgés des Prairies canadiennes disent avoir vu un grand nombre de papillons monarques voler dans la région pendant l’été.
C’est difficile à croire, car il est assez rare d’apercevoir des papillons monarques dans l’ouest du Canada. Les estimations actuelles en matière d’observation dans les provinces des Prairies de l’Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba laissent entendre que la présence de ce papillon emblématique est limitée dans ces régions.
Cependant, il semble que la propagation de la partie prairiale de la population de monarques ait été beaucoup plus importante dans le passé qu’elle ne l’est aujourd’hui. Un auteur (Brower, 1995) suggère que jusqu’aux années 1880, la région des Prairies d’Amérique du Nord était la principale zone de reproduction du papillon monarque. La communauté florale indigène se composait de 22 espèces d’asclépiades (Asclepias), qui abritaient les chenilles et fournissaient du nectar aux spécimens adultes.
La théorie veut que le fait de labourer la terre pour créer des cultures a non seulement détruit les Prairies, mais aussi éradiqué une grande partie des ressources en asclépiades.
Dans le même temps, les arbres des forêts de la région orientale des Grands Lacs ont été coupés pour être exploités, ce qui a permis à l’asclépiade commune (Aslepias syriaca) de se développer largement en Ontario et au Québec. Cette propagation a permis au monarque d’adapter son aire de répartition afin d’utiliser ce nouvel habitat ouvert pour la reproduction.
Aujourd’hui, dans les Prairies, très peu de monarques se reproduisent, et l’aire de répartition semble se limiter aux parties méridionales de ces trois provinces. D’après les données d’iNaturalist, les monarques sont observés de Calgary (ouest) à Winnipeg (est), dans un périmètre délimité au nord par une ligne allant d’est en ouest au niveau de la ville d’Humboldt, en Saskatchewan. Au cours des dernières années, environ 1 500 monarques ont été observés par 528 observateurs dans cette zone.
D’autres recherches le confirment, suggérant que les provinces de l’Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba abritent respectivement 2,3 %, 1,8 % et 3,3 % des populations de monarques qui se rendent au Mexique chaque année.
Les observations répertoriées sur iNaturalist indiquent également qu’il existe trois espèces d’asclépiades en Alberta et en Saskatchewan (l’asclépiade à feuilles ovées, l’asclépiade belle et l’asclépiade à fleurs vertes). Le Manitoba s’enorgueillit de trois autres espèces que l’on trouve probablement dans les régions plus humides (l’asclépiade verticillée, l’asclépiade commune et l’asclépiade incarnate). Bien entendu, ces données ne couvrent que les cinq dernières années et peuvent être incomplètes. L’asclépiade pourrait encore gagner du terrain sur ce point!
L’histoire du monarque au Canada au fil du temps illustre l’énorme capacité de cette espèce à s’adapter aux transformations du paysage. Ce constat me pousse à me demander si, en restaurant les Prairies pour y inclure des espèces d’asclépiades en abondance, nous pourrions augmenter la population de monarques. Pourrait-on voir chaque année un grand nombre de monarques s’envoler vers les Prairies?
Sans parler du nombre considérable d’autres pollinisateurs qui seraient soutenus.
Étant donné qu’il ne subsiste aujourd’hui au Canada qu’environ 25 % des prairies indigènes d’origine, quels sont les résultats possibles pour la restauration des Prairies?
L’histoire a des leçons à nous enseigner.