Voici la première partie d’une série en trois volets consacrée au rétablissement des papillons monarques rédigée par Carolyn Callaghan, biologiste de la conservation principale de la faune terrestre à la Fédération canadienne de la faune.
À l’heure où j’écris cet article de blogue, je suis en train de survoler le trajet migratoire des papillons monarques de l’Est.
Par millions, ces papillons emblématiques effectuent au mois de mars ce long voyage qui les mène du Mexique au sud des États-Unis, où ils pondent alors leurs œufs sur les asclépiades pour donner naissance à une nouvelle génération.
Contrairement aux papillons monarques, les choses sont faciles pour moi.
Je suis en ce moment à bord d’un Airbus A320 d’une envergure de 37,6 mètres, pour parcourir les 4291 kilomètres qui me séparent de chez moi. Je ne pèse pas un demi-gramme et je n’ai pas non plus une envergure de 10 centimètres. Je ne dois pas battre des ailes continuellement pour me diriger vers le nord, à travers les montagnes, les plaines, les routes achalandées et les champs agricoles. Je n’ai pas à subir une météo extrême, des températures trop chaudes ou froides, un temps trop pluvieux ou venteux. Les papillons monarques qui migrent vers le nord sont soumis à tout cela après avoir déjà effectué l’automne précédent une migration qui peut totaliser 4500 kilomètres depuis le sud du Canada, le nord ou le centre-ouest des États-Unis. Cette même génération migre à l’automne depuis son aire de reproduction du nord jusqu’à son aire d’hivernage des hautes terres des sapins oyamel qui se trouve au sud de la Ville de Mexico, puis de nouveau en direction du nord à la fin de l’hiver, jusqu’au sud des États-Unis. Les petits-enfants et arrière-petits-enfants de cette super génération poursuivront ensuite cette migration vers le nord pour finalement arriver au Canada au mois de mai.
Voici pourquoi je suis actuellement dans un avion, l’esprit occupé par les papillons monarques : Je reviens d’une impressionnante « rencontre de réflexion » de trois jours dont l’objet était le rétablissement de leurs populations. Le gouvernement du Mexique a organisé une réunion conjointe de scientifiques issus du Mexique, du Canada et des États-Unis pour discuter des menaces qui pèsent sur les papillons monarques, passer en revue les données scientifiques disponibles au sujet de cette espèce et de son parcours migratoire phénoménal, et définir les prochaines étapes à suivre pour enrayer le déclin massif des effectifs observé depuis des décennies.
Une espèce internationale qui nécessite une solution à l’échelle internationale
Ce n’est pas la première fois que ce comité scientifique se rencontre. Depuis 2015, ses membres cernent les lacunes en matière de connaissances, tirent parti de la science pour combler celles-ci, partagent des données, collaborent sur des projets et s’encouragent mutuellement à renforcer les efforts de conservation des papillons monarques. Un accord trinational visant à travailler ensemble à la conservation de cette espèce en voie de disparition, promulgué en 2014 par les présidents du Mexique et des États-Unis, ainsi que par le premier ministre du Canada, a donné naissance au comité scientifique trinational. Les données collectées par les membres de ce comité et d’autres scientifiques qui ont lancé l’appel à l’action, de même que les modèles qu’ils ont établis, ont abouti à l’accord trinational. Cet engagement trinational est tangible et d’importants progrès ont été réalisés dans la génération de connaissances et la prise de mesures de conservation visant à enrayer le déclin fulgurant des effectifs des monarques. Mais tous les scientifiques et gestionnaires des terres présents lors de cette réunion ont cependant convenu qu’il reste beaucoup à faire pour remédier à la situation.
Nouveau statut à l’échelle fédérale canadienne : En voie de disparition
Les principales menaces qui pèsent sur la population de l’Est des papillons monarques sont la perte des habitats, l’utilisation de pesticides à grande échelle et le changement climatique.
Le déclin des populations est la raison pour laquelle le gouvernement canadien a répertorié, en décembre 2023, les papillons monarques comment étant en voie de disparition.. L’équipe chargée du rétablissement des papillons monarques d’Environnement et Changement climatique Canada travaille déjà à l’élaboration d’un programme, attendu en décembre 2024. Ce programme jouera le rôle de plan directeur visant à enrayer le déclin des papillons monarques et il sera suivi d’un plan d’action qui guidera les mesures à prendre et établira des échéanciers de résultats en matière de conservation. Il s’agit d’un engagement important de la part du gouvernement du Canada, et ce programme de rétablissement permettra de guider l’ensemble de la société à contribuer à ces efforts. Car il faudra en effet beaucoup d’efforts pour réussir à rétablir les papillons monarques.
Les principales menaces qui pèsent sur la population de l’Est des papillons monarques sont la perte des habitats, l’utilisation de pesticides à grande échelle et le changement climatique. Ces trois menaces entraînent une diminution des effectifs des papillons monarques. Si ceux-ci fluctuent d’année en année, la population hivernante peine en effet à occuper la superficie cible établie de six hectares et à s’y maintenir. Étant donné qu’il est impossible de comptabiliser le nombre exact de papillons monarques qui se posent sur les sapins oyamel, des équipes d’écologues dévoués évaluent les effectifs en mesurant la superficie occupée par la population hivernante. Les rassemblements des papillons ont lieu sur les sapins de plusieurs réserves. La superficie totale occupée par ceux-ci est rapportée chaque année à la même époque et ces résultats sont attendus avec impatience. Le comité scientifique trinational a en effet déterminé, en modélisant les conditions susceptibles de mener à l’extinction des papillons monarques de l’Est, que la population hivernante doit pouvoir occuper une superficie de six hectares pour garantir sa survie.
Des effectifs en chute libre : la superficie de l’aire d’hivernage des papillons monarques a diminué en 2023-2024 de 59 % par rapport à l’année dernière.
C’est avec une pointe de désespoir que nous avons appris le 8 février 2024 que la superficie de l’aire d’hivernage 2023-2024 n’occupait que 0,9 hectare. Il s’agit de la superficie la deuxième plus réduite rapportée depuis le premier dénombrement annuel établi en 1993-1994. qui représente une diminution de plus de 59 % par rapport à la superficie de l’aire d’hivernage de l’année dernière.
Faut-il pour autant abandonner les papillons monarques? Leur tourner le dos et reconnaître notre échec? Absolument pas! Grâce aux mesures prises par les gouvernements dans le cadre de cet engagement trinational et à la contribution de la société civile, le comité scientifique est convaincu que le rétablissement des papillons monarques demeure à notre portée. Il sera toutefois nécessaire de faire front ensemble, et vous pouvez aussi apporter votre contribution.