« Nous comptons plus de chercheurs qui étudient la baleine noire de l’Atlantique Nord que l’espèce elle-même ». Voilà comment la communauté des chercheurs vise à faire valoir la situation de la baleine noire et souligner son statut auprès des agents de conservation de la faune. La baleine noire de l’Atlantique Nord, une espèce en voie d’extinction, n’est plus chassée depuis les années 1920 et pourtant, sa population ne s’est toujours pas rétablie. On compte aujourd’hui environ 500 individus.
Bien que la chasse à la baleine noire ait maintenant cessé, l’augmentation des activités industrielles dans l’océan a entraîné la mort de la plupart des baleines noires, principalement en raison de collisions accidentelles avec des navires ou d’empêtrements dans des engins de pêche.
Revenons en arrière pour mieux comprendre les efforts de conservation de la baleine noire. Dans les années 1970 et 1980, des chercheurs ont découvert de larges bancs de baleines noires dans la baie de Fundy, découverte qui a eu pour conséquence de mettre en valeur les efforts de sensibilisation à la protection de l’animal et d’attirer des chercheurs de toutes les disciplines pour l’étudier et participer aux efforts de protection.
Au milieu des années 2000, on notait un grand nombre de naissances de baleineaux et de nouvelles mesures de protection ont été mises en place pour protéger les baleines noires contre les collisions accidentelles avec des navires. Les chercheurs ont célébré ces deux découvertes, puisqu’elles semblaient démontrer que la population de baleines noires augmentait.
Puis, en 2010, nous les avons perdues de vue. Des équipes d’étude dans le golfe du Maine et dans la baie de Fundy ont constaté une forte baisse du nombre de baleines noires présentes dans ces aires d’alimentation. La situation n’a pas changé depuis. Les baleines ont visiblement changé leurs habitudes, mais pourquoi? Et où sont-elles allées?
En été, les baleines noires descendent des eaux côtières nordiques pour se nourrir et on suppose donc qu’elles se rendent là où elles peuvent trouver de la nourriture. Les baleines noires se nourrissent de larges bancs de copépodes (zooplancton) qui se forment dans les chenaux et bassins profonds qui jalonnent notre plateau continental. Les scientifiques avancent l’hypothèse selon laquelle les baleines noires ont cessé de visiter ces zones en raison de la disparition des bancs de copépodes, un phénomène connu qui se produit à l’occasion.
D’autres études se sont penchées sur la « disparition » des baleines noires et, en 2015, des relevés aériens menés dans le cadre de recherches océanographiques ont permis de découvrir des endroits où les copépodes pouvaient se rassembler et les chercheurs ont trouvé une nouvelle aire d’alimentation dans le chenal Orphelin, où l’on comptait environ 50 baleines noires (voir le cercle jaune sur la photo!).
Les résultats préliminaires de l’étude pour l’été 2016 laissent entendre que la baleine noire serait revenue dans ses aires d’alimentation traditionnelles de la baie de Fundy, mais d’autres études menées dans les Maritimes démontrent que les baleines ont continué de fréquenter le chenal Orphelin. Ces nouvelles sont excellentes pour les chercheurs qui étudient la baleine noire, mais elles prouvent que nous avons encore beaucoup à apprendre sur cet animal et que nous devons tâcher de découvrir les endroits que fréquente la baleine noire pour mieux la protéger.
Sean Brillant, biologiste principal de la conservation, Fédération canadienne de la faune
Kim Davies, titulaire de bourse de recherche postdoctorale Liber Ero, département d’océanographie, Université Dalhousie