La pollution lumineuse à l’avantage des prédateurs

Du simple basculement d’un interrupteur, nous rendons nos soirées anormalement éclairées, et la faune en paie le prix. Ce phénomène appelé pollution lumineuse fait référence à l’utilisation excessive et souvent inutile de lumières artificielles après la tombée de la nuit. Chaque année, notre ciel devient deux pour cent plus lumineux, ce qui cache les étoiles et fait de la noirceur naturelle une rareté. À vrai dire, de nos jours, à peine 20 pour cent des Nord-Américains peuvent encore voir la Voie lactée.   

Mais il n’y a pas que notre observation des étoiles qui en est perturbée. La pollution lumineuse a des effets majeurs sur les espèces sauvages, touchant toutes leurs facettes, de leurs schémas habituels de migration et de reproduction à leurs rythmes biologiques. L’une de ses conséquences les plus troublantes est la façon dont elle transforme les relations prédateur-proie, rendant la chasse beaucoup trop facile pour certains animaux, alors qu’elle en expose d’autres à de plus grands risques. Explorons plus en détail comment la lumière artificielle transforme le jeu du chat et de la souris.  

Cerf mulet 

Un cerf mulet capté par une caméra de sentier la nuit. © Getty

Une équipe de recherche de l’université du Michigan a étudié les incidences de la pollution lumineuse sur le comportement du cerf mulet et de son principal prédateur, le cougar. Habituellement, le cerf mulet est plus actif au lever et au coucher du soleil, mais l’éclairage artificiel nocturne change ses habitudes. Les cerfs paissent maintenant davantage la nuit, particulièrement en été, et ils sont souvent attirés par les cours et les parcs bien éclairés. Ces zones très lumineuses peuvent donner aux cerfs une fausse impression de sécurité alors qu’ils font quand même face à des prédateurs. Bien que les cougars puissent chercher à éviter les zones très éclairées, ils se sont adaptés en trouvant des coins plus sombres dans les environnements urbains où ils peuvent piéger leurs proies. Étonnamment, cette adaptation permet aux cougars de chasser et de tuer plus facilement les cerfs mulets.   

Insectes

Un polyphème d’Amérique la nuit. © Getty

Les insectes nocturnes comptent sur la lune et les étoiles pour se repérer en les utilisant comme points de référence et d’orientation. Or, les sources de lumière artificielle comme les lampes de véranda ou les lampadaires désorientent ces insectes, qui volent souvent en direction de l’éclairage et se retrouvent prisonniers de sa brillance.  Selon les recherches, environ le tiers des insectes coincés par ces sources lumineuses meurent avant le lever du soleil, épuisés ou mangés par des prédateurs. Par exemple, certaines espèces de chauves-souris profitent pleinement de ces « buffets d’insectes » en se jetant sur les proies désorientées pour s’en nourrir en plein vol.  

Tortues luths

Une tortue luth la nuit. © Getty

Une fois écloses, les petites tortues luths suivent instinctivement l’horizon marin, qui les guide vers leur foyer en mer.  Malheureusement, l’éclairage artificiel des bâtiments et des rues peut les désorienter et les attirer dans la mauvaise direction, c’est-à-dire vers la terre plutôt qu’en mer. Cette désorientation les rend plus vulnérables, en faisant des proies faciles pour des prédateurs comme les crabes, les lézards, les ratons laveurs, les coyotes et les autres animaux.   

Petites chauves-souris brunes 

Chauve-souris étiquetée en voie d’être relâchée | © FCF

Tous les animaux ne sont pas attirés par la lumière artificielle. Alors que certaines espèces de chauves-souris chassent près d’une source de lumière, la petite chauve-souris brune a par exemple appris à éviter les zones bien éclairées afin de ne pas être chassées par des prédateurs comme les strigidés. Brillant, non? Oui, mais cela comporte un désavantage. En évitant ces zones lumineuses, les chauves-souris réduisent leurs options pour s’alimenter et se nicher. Cette situation est particulièrement préoccupante considérant que les petites chauves-souris brunes sont déjà en difficulté en raison du syndrome du museau blanc, une maladie mortelle qui dévaste leurs populations. Toute pression supplémentaire comme la réduction des zones où elles se nourrissent peut nuire davantage à leur survie.   

Comment réduire la pollution lumineuse à la maison

Une maison éclairée en soirée. ©Getty
  • Éteignez toutes les lumières extérieures si vous ne les utilisez pas et optez plutôt pour des détecteurs de mouvement. 
  • N’utilisez pas de lumières bleues ou blanches sur votre propriété. Les ampoules aux couleurs chaudes comme le jaune ou le rouge ont une incidence moins négative. 
  • Fermez les rideaux le soir. 
  • N’installez pas de lumières pointant vers le haut sur votre propriété, car elles créent un halo rendant les étoiles encore plus difficiles à voir pour les espèces sauvages qui s’orientent grâce à elles.  
  • Réduisez l’intensité de votre éclairage. Il n’est pas nécessaire d’avoir des lumières excessivement vives en soirée!