Beaucoup d’animaleries vendent de jeunes tortues.

La tortue à oreilles rouges n’est pas une espèce indigène au Canada. Probablement un animal de compagnie relâché, celle-ci a été trouvée en train de se chauffer au soleil à Victoria, en C.-B. Beaucoup de tortues à oreilles rouges ont été relâchées dans la nature un peu partout au Canada. La bande rouge derrière l’œil confirme qu’il s’agit bien d’une tortue à oreilles rouges. (Source : iNaturalist Canada, photo de marvineng sous licence CC-BY-NC)

Beaucoup de ces toutes petites tortues sont des tortues à oreilles rouges, appelées ainsi parce qu’elles ont une bande rouge de chaque côté de la tête. Ces petites tortues pas plus grosses qu’une pièce de deux dollars sont adorables. Malheureusement, elles ne resteront pas de cette taille. Une tortue à oreilles rouges peut vivre plus de 30 ans, et une fois adulte, la longueur de sa carapace peut dépasser les 20 cm. Beaucoup de gens n’ont pas l’espace nécessaire pour le gros vivarium dont la tortue à oreilles rouges a besoin en grandissant et ils ne sont pas prêts à s’occuper d’une tortue durant des décennies. Avoir une tortue est tout un engagement!

Le malheur de grandir

Les tortues à oreilles rouges sont indigènes au sud des États-Unis, mais en raison de leur commerce comme animal de compagnie, elles ont été relâchées dans des pays du monde entier. Les carrés rouges indiquent les emplacements où des tortues à oreilles rouges ont été observées. Source : iNaturalist Canada.

Que se passe-t-il quand les tortues deviennent trop grosses et que les gens ne veulent plus les garder? Beaucoup de tortues à oreilles rouges finissent par être relâchées en nature dans des étangs et des milieux humides. C’est un problème pour de nombreuses raisons, mais pour commencer, elles ne sont pas indigènes au Canada.

Selon iNaturalist Canada, on compte plus de 800 observations de tortues à oreilles rouges au Canada. Des spécimens ont été trouvés dans sept provinces canadiennes (Colombie-Britannique, Saskatchewan, Manitoba, Ontario, Québec, Nouveau-Brunswick et Nouvelle-Écosse), même si environ 90 % des observations proviennent de l’Ontario et de la Colombie-Britannique.

Observations de tortues à oreilles rouges dans le sud de l’Ontario et dans l’ouest du Québec. Environ la moitié des observations de tortues à oreilles rouges au Canada proviennent de l’Ontario. En Ontario, environ la moitié des observations proviennent de la région de Toronto. Source : iNaturalist Canada.

En Ontario, environ la moitié des observations proviennent de la région de Toronto, mais des spécimens ont été observés de Windsor à Ottawa et plus à l’est au Québec, aux alentours de Montréal. En Colombie-Britannique, la plupart des observations proviennent des environs de Vancouver et de Victoria. Les tortues à oreilles rouges ne se retrouvent pas uniquement dans les milieux humides des zones urbaines; certaines ont aussi été découvertes dans des aires protégées du Canada comme le parc national de la Pointe-Pelée, dans le sud de l’Ontario.

Espèce envahissante

Les tortues à oreilles rouges sont indigènes au sud des États-Unis, mais elles se sont répandues dans des milieux humides du monde entier en raison de leur commerce comme animal de compagnie. Des tortues à oreilles rouges ont été relâchées dans les Caraïbes, en Amérique du Sud, en Europe, en Afrique, en Asie et dans certaines régions du Pacifique comme l’Australie et Hawaï. Beaucoup de régions sont assez chaudes pour leur permettre de prospérer et de se reproduire avec succès. Des éclosions d’œufs de tortues à oreilles rouges ont même été confirmées dans le sud de l’Ontario et dans le sud de la Colombie-Britannique. Donc non seulement la tortue à oreilles rouges est une espèce exotique au Canada, mais elle réussit à se reproduire dans les régions les plus chaudes du pays.

Concurrence excessive à l’égard des espèces indigènes

Deux tortues à oreilles rouges (à gauche et à droite sur la photo) se chauffent au soleil avec une tortue peinte (au centre) à Pentiction, en C.-B. Les tortures à oreilles rouges relâchées en nature peuvent propager des maladies pouvant représenter une menace pour les tortues indigènes et autres espèces sauvages. (Source : iNaturalist Canada, photo de abodden sous licence CC-BY-NC)

Quel effet les tortues à oreilles rouges peuvent-elles avoir sur nos espèces de tortues indigènes? Nous n’en sommes pas sûrs, mais elles peuvent poser un certain nombre de risques. Les tortues à oreilles rouges deviennent plus grosses que nos tortues peintes indigènes et répandues, ce qui pourrait leur permettre de supplanter les autres tortues quand vient le temps de trouver des sites où se chauffer au soleil si ces sites sont limités. Une étude a découvert que lorsque les tortues à oreilles rouges ont été retirées d’un vaste milieu humide, les tortues indigènes ont pris du poids, suggérant que ces premières supplantaient les tortues indigènes dans leur recherche de nourriture. Il est aussi possible que le milieu humide contenait trop de tortues et qu’il n’y avait pas assez de nourriture pour chacune d’entre elles.

Propagation de maladies

Cela dit, le risque le plus important pourrait être la propagation de maladies. Nous ignorons l’histoire de toutes ces tortues de compagnie abandonnées. Certaines ont peut-être été gardées dans des conditions non hygiéniques ou avec d’autres espèces en captivité. Une tortue à oreilles rouges relâchée peut avoir une maladie possiblement mortelle pour les tortues indigènes ou les autres espèces sauvages. Ça peut sembler improbable, mais il semblait aussi improbable que notre société puisse être à ce point bouleversée par un virus.

Les éclosions de maladies comme la pandémie que nous vivons actuellement deviennent aussi de plus en plus répandues chez les espèces sauvages. L’histoire de la tortue serpentine de la rivière Bellinger (Myuchelys georgesi) porte particulièrement à réflexion. Cette espèce ne se trouve que dans une petite région de l’est de l’Australie. En 2015, plus de 400 tortues ont été retrouvées mortes ou mourantes. La cause? Un virus jusqu’alors inconnu lié à ceux qui causent des maladies respiratoires chez les pythons et les lézards. Avec les centaines de tortues à oreilles rouges relâchées dans la nature au Canada, ce n’est probablement qu’une question de temps avant que certaines d’entre elles soient porteuses de maladies graves.

Que pouvez-vous faire pour aider?

Que faire au sujet des tortues à oreilles rouges au Canada? Si vous avez une tortue à oreilles rouges de compagnie, ne la relâchez pas dans la nature. C’est une espèce exotique qui n’y a pas sa place. Si vous voulez une tortue comme animal de compagnie, demandez-vous sérieusement si vous pouvez vous en occuper pour les 30 prochaines années ou plus, particulièrement lorsqu’elle sera adulte et aura besoin d’un grand vivarium.

Si vous choisissez malgré tout d’avoir une tortue de compagnie, pensez à l’adopter. Il existe des groupes de sauvetage comme Little RES Q (littleresq.net) qui tentent de trouver un foyer aux tortues à oreilles rouges abandonnées.

Si vous voyez des tortues à oreilles rouges en nature, signalez-les à iNaturalist Canada pour que leur distribution et leur abondance puissent être suivies. Bien que l’idéal soit de retirer les tortues à oreilles rouges de la nature, éviter d’en relâcher de nouvelles dans nos étangs et nos milieux humides représente déjà un premier pas.

Apprenez-en plus sur la façon dont vous pouvez aider les tortues ou d’autres espèces en péril sur le site de la Fédération canadienne de la faune.