Je n’ai pas grandi dans les prairies, mais dans mes rêves d’enfant, j’y étais.
J’ai lu des ouvrages sur la vie dans le Far West, et j’ai regardé des films. Je m’imaginais tel un cowboy qui montait à cheval et gardait le bétail dans les vastes étendues des grandes plaines.
Le Canada a une tradition d’élevage longue et très diversifiée. Elle compte de grands cowboys comme John Ware, Jackson Sundown (Waaya-Tonah-Toesits-Kahn) et Marie Rose Delorme. Ce n’est qu’à l’âge adulte, en étudiant les chefs de file de la conservation des prairies du Canada, que j’ai découvert l’existence de ces grands pionniers canadiens, ces figures de proue de la conservation des prairies à qui nous devons tant.
Mon rêve s’est réalisé
Aujourd’hui, comme un enfant de sept ans qui jouerait au hockey en rêvant de faire partie de la LNH, je vis les rêves de mon enfance et passe les chaudes journées d’été au grand air en tant qu’écologiste des prairies. Mon travail dans le domaine de la conservation des prairies indigènes me permet de découvrir le paysage et la culture de l’élevage moderne dans l’Ouest canadien. Au fil des étés, mon respect pour l’excellent travail des éleveurs s’accroît.
Les éleveurs peuvent se compter, et se comptent, parmi les intendants les plus importants de la biodiversité des prairies indigènes au Canada. Gérés dans une optique de durabilité à long terme, les ranchs fournissent la gamme d’habitats dont les plantes et les animaux indigènes des prairies ont besoin. Ces aires se composent d’un mélange biodiversifié d’herbes indigènes et d’herbes à fleurs, soit une mosaïque de sites pâturés et non pâturés offrant un habitat approprié aux oiseaux et aux insectes, ainsi qu’un réseau d’habitats de hautes terres, de basses terres et de zones humides pour les cerfs, les antilocapres, les sauvagines, les chiens de prairie, les blaireaux et la myriade d’animaux sauvages qui vivent dans les prairies.
Un héritage qui se désagrège
Lorsque les bisons parcouraient encore les prairies, bien avant l’arrivée des colons, les vastes prairies indigènes abritaient une biodiversité des plus riches, soigneusement gérée par les nations autochtones qui y vivaient. Des millions de bisons, d’antilocapres, d’orignaux et de cerfs nourrissaient des prédateurs tels que le grizzli des plaines, le coyote et le cougar, ainsi que des dizaines de charognards. Les herbes et les fleurs sauvages des prairies abritaient des dizaines de milliers d’espèces d’insectes pollinisateurs, fouisseurs, nécrophages et piqueurs.
Malheureusement, seuls 20 % des prairies indigènes qui existaient au Canada avant l’arrivée des Européens ont subsisté jusqu’à nos jours. Le reste a été labouré pour les cultures, aménagé ou pavé. Plus de 90 % des prairies indigènes qui subsistent au Canada sont gérées par des familles d’éleveurs ou des coopératives de pâturage dans le cadre de l’élevage de bovins destinés à la boucherie. Les éleveurs de bovins constituent donc le groupe le plus important de gestionnaires de prairies naturelles au Canada. Sans l’élevage bovin, les prairies indigènes seraient encore plus cultivées ou exploitées, ce qui mettrait davantage en péril les prairies indigènes sauvages du Canada et les dizaines d’espèces en danger qui dépendent de ces prairies.
Une dent contre la viande de bœuf?
Nous comprenons que vous ayez une dent contre la viande de bœuf. Le fait de manger de la viande ne fait pas l’unanimité et, en tant que secteur moderne développé pour satisfaire les marchés mondiaux, celui de la viande bovine doit améliorer constamment ses pratiques en matière de gestion de la chaîne d’approvisionnement. C’est pourquoi la Fédération canadienne de la faune participe à la recherche et à la surveillance relatives à la biodiversité dans les ranchs de la Saskatchewan. Nous travaillons avec des organisations d’éleveurs en Saskatchewan pour mieux comprendre la mesure dans laquelle les pratiques de gestion profitent à la biodiversité indigène. Ce faisant, nous avons beaucoup appris sur l’interaction entre le bétail en pâturage et la faune des prairies, et nous vouons maintenant une admiration encore plus grande aux éleveurs pour le travail de conservation qu’ils effectuent.
Le terme « écoservices » est une expression à la mode souvent utilisée dans le monde de la protection de la nature. Il désigne les services que la nature rend à la société et que nous ne mettons pas en place ou pour lesquels nous ne payons pas. Pensez aux arbres qui produisent de l’oxygène et filtrent les polluants en milieu urbain. Les prairies indigènes fournissent des écoservices essentiels en stockant de grandes quantités de carbone dans le sous-sol et, en raison de leur raréfaction, en abritant des espèces menacées. Les éleveurs sont toujours des cowboys, mais des cowboys de la conservation, qui permettent ces écoservices essentiels en gérant efficacement les prairies naturelles du Canada.