Innovation en matière d’hydroélectricité : des turbines sans danger pour les poissons comme solution à leur mortalité

Alors que les énergies renouvelables sont de plus en plus adoptées dans le monde entier, l’hydroélectricité demeure l’une des principales sources d’électricité.

En 2022, la production d’électricité a ainsi dépassé la production de toutes les autres catégories d’énergies renouvelables réunies. Cependant, les systèmes hydroélectriques traditionnels s’accompagnent de risques importants pour la vie aquatique, en particulier pour les espèces migratrices comme l’anguille d’Amérique. Heureusement, les innovations en matière de conception de turbines hydroélectriques laissent entrevoir des solutions prometteuses, moins dangereuses pour les poissons.

Le défi de la mortalité des poissons lié aux centrales hydroélectriques

 Les barrages peuvent considérablement perturber les schémas de migration naturels des poissons. L’anguille d’Amérique en est un parfait exemple : les effectifs du lac Ontario et de la rivière des Outaouais ont ainsi connu un déclin stupéfiant de 99 %, principalement en raison de ces obstacles. L’absence de passes à poissons dans la plupart des barrages, qui permettraient aux jeunes anguilles de remonter les cours d’eau, ainsi que l’impact mortel des turbines sur les adultes migrateurs qui parviennent à remonter les cours d’eau, sont des facteurs clés de cette crise. Alors que d’importantes rénovations sont prévues sur plusieurs barrages apparaît l’occasion vitale d’intégrer de nouvelles technologies améliorant la survie des poissons tout en maintenant la production énergétique. Les approches et les entreprises présentées ici ne sont qu’un sous-ensemble des nombreuses options qui permettraient de relever ces défis.

Trois approches pour une conception de turbines sans danger pour les poissons

1. Des turbines conventionnelles modifiées

Les turbines conventionnelles modifiées, telles que celles développées par Andritz, DIVE et Alden, sont conçues pour minimiser les blessures des poissons pendant leur passage. Ces technologies présentent souvent des pales modifiées qui réduisent les turbulences et les risques de blessures, ce qui en fait des options précieuses pour les nouvelles installations ou les rénovations d’installations existantes. Les turbines DIVE, par exemple, représentent une approche innovante, adaptée aux petites applications avec une capacité maximale de 4 MW par turbine. Il s’agit d’une solution unique pour les sites dont le potentiel de production énergétique est plus faible, qui permet de lutter efficacement contre la mortalité des poissons dans les nouvelles installations ou pour certaines reconstructions. Leur conception qui vise à minimiser les blessures des poissons lors de leur passage en fait une option précieuse. Cependant, des défis tels que la rentabilité et la nécessité de modifier les infrastructures en place peuvent limiter la mise en œuvre de turbines conventionnelles modifiées dans certains contextes.

1. Des turbines basse chute

Les turbines basse chute sont spécifiquement conçues pour les sites présentant de faibles hauteurs de chute d’eau et peuvent être efficaces dans des conditions de faible débit. Parmi les exemples notables, citons la turbine écologiquement durable de la centrale hydroélectrique de Monsin, qui donne la priorité à la protection de l’environnement tout en générant de l’énergie renouvelable; et la centrale hydroélectrique d’Eddersheim, qui exploite efficacement l’énergie avec un impact minimal sur les populations de poissons locales. Des études indiquent que les turbines basse chute ont des effets négligeables sur l’entraînement des poissons, ce qui en fait une option adaptée aux sites de barrages à faible hauteur de chute avec un risque minimal pour la vie aquatique, bien qu’elles ne constituent pas un remplacement approprié des turbines des installations hydroélectriques à haute hauteur de chute classiques.

1. Des roues de turbines sans danger pour les poissons

Natel Energy a été le pionnier du développement de turbines respectueuses des poissons visant à réduire les risques de mortalité posés par les turbines conventionnelles. Les roues (composant de l’hélice) des turbines traditionnelles, munies d’arêtes tranchantes semblables à celles des hélices de bateaux, sont dangereuses pour les poissons. Les modèles conçus par Natel sont dotés de lames incurvées plus épaisses qui créent une « zone de stagnation » ou un « coussin de sécurité gonflable pour poissons », réduisant ainsi considérablement les accidents mortels. Lors des tests effectués, plus de 98 % des anguilles d’Amérique ont survécu au passage à travers les turbines Natel, ce qui représente une amélioration significative par rapport aux taux de survie de 50 à 80 % dans les conceptions conventionnelles. De plus, Natel a conçu des roues modifiées s’adaptant aux turbines existantes sans nécessité de modifier l’infrastructure. Cette technologie sans danger pour les poissons minimise les coûts et est aussi applicable aux plus grandes installations hydroélectriques.

Élimination des compromis

 D’autres conceptions de turbines sans danger pour les poissons ont été proposées au cours des décennies précédentes. Bien qu’elles aient été potentiellement plus sécuritaires pour les poissons, ces technologies n’ont toutefois pas été adoptées pour diverses raisons liées au coût et à l’efficacité. Elles étaient moins efficaces que les turbines existantes et auraient nécessité d’importants travaux de construction pour reconfigurer les installations hydroélectriques.

Les normes de l’industrie hydroélectrique en matière d’entretien des équipements prévoient le remplacement des roues tous les 30 ans. Ces rénovations de routine créent des occasions de rendre les turbines sans danger pour les poissons en remplaçant les roues traditionnelles par des conceptions innovantes. Ces technologies pourraient potentiellement être intégrées à une grande partie du parc hydroélectrique existant, offrant ainsi une solution plus large aux défis de mortalité des poissons et de conformité environnementale auxquels les centrales hydroélectriques vieillissantes sont confrontées.

Bien que les turbines sans danger pour les poissons se préoccupent principalement de la migration vers l’aval, des solutions complémentaires sont nécessaires pour le passage vers l’amont, telles que la mise en place de contournements naturels ou de rampes. Ces approches complémentaires peuvent se compléter pour rétablir les effectifs des poissons décimés par diverses installations hydroélectriques.

Un avenir de coexistence durable

Les rénovations en cours des barrages existants offrent des occasions cruciales d’intégration de ces technologies sans danger pour les poissons, favorisant ainsi un avenir où l’hydroélectricité et la vie aquatique pourront prospérer conjointement. En investissant dans des conceptions de turbines qui améliorent la sécurité des poissons, l’industrie hydroélectrique peut ainsi atténuer son impact écologique tout en maintenant sa production énergétique.

Les progrès réalisés par les technologies de turbines sans danger pour les poissons soulignent l’importance d’adapter les systèmes d’énergie renouvelable de manière à protéger des espèces vulnérables comme l’anguille d’Amérique. Alors que le changement climatique menace les écosystèmes, il est essentiel de trouver des moyens d’harmoniser la production énergétique et la conservation. Les nouvelles approches en matière de turbines sans danger pour les poissons contribuent non seulement à la santé des écosystèmes fluviaux, mais garantissent également que l’hydroélectricité demeure une composante viable dans la palette des énergies renouvelables.

L’intégration de turbines sans danger pour les poissons dans les infrastructures hydroélectriques présente une occasion importante tant pour la production énergétique que la préservation écologique. En adoptant ces innovations, nous pouvons ainsi œuvrer pour un avenir durable où l’hydroélectricité et la vie aquatique coexisteront en meilleure harmonie.